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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

près des pompes à air ; Yvon proposa qu’on continuât l’exploration.

— Encore un couloir à inspecter, dit-il ; ensuite, nous remonterons à la surface du sol.

— Depuis combien de temps sommes-nous… sous terre, M. Ducastel demanda Luella.

— Depuis au-delà de deux heures, Mlle d’Azur, répondit-il. Vous ne serez pas fâché de revoir le jour, la lumière, je crois, hein ? demanda-t-il en souriant.

— Oh ! Ça peut faire maintenant ! dit la jeune fille ; qui marchant tout à côté de l’inspecteur. D’avoir respiré ce bon air artificiel, cela m’a donné beaucoup de courage, voyez-vous.

— J’en suis bien heureux alors, fit le jeune homme.

— Oh ! s’écria tout à coup Luella, en se cramponnant au bras d’Yvon. Voyez donc ! Là !… Là !… Ces yeux de feu qui nous regardent !

— Où cela ? demanda-t-on.

— Là ! Là ! répéta Luella, tremblante de frayeur. Dans ce boyau… à notre gauche !

Tous regardèrent dans la direction indiquée, et Mme Foulon, effrayée, à son tour, de s’écrier :

— Oui ! Oui ! Je les vois !… Deux yeux de feu qui nous observent !

— Des lanternes… que tu prends pour des yeux probablement, dit M. Foulon, en riant, à sa femme.

— Non ! Ce ne sont pas des lanternes !… Qu’est-ce que c’est, M. Ducastel ?

— Rien qui puisse vous effrayer à ce point, Mesdames, répliqua Yvon en souriant. Ces yeux de feu appartiennent à un hibou…

— Un hibou !

— On voit, assez souvent, de ces oiseaux dans la mine. C’est toujours la nuit ici, voyez-vous ; les oiseaux nocturnes y… pullulent.

— Les oiseaux nocturnes ?… Vous ne voulez pas dire qu’il y a aussi des chauve-souris ici, sûrement ! cria Luella, qui avait une peur affreuse de ces bêtes.

— Je n’ai jamais vu une seule chauve-souris dans cette houillère, Mlle d’Azur, je vous le certifie, assura Yvon, qui, lui aussi, craignait et détestait ces sales bêtes.

Cependant, il mentait en disant cela, afin de ne pas effrayer les dames qui l’accompagnaient. Les houillères sont littéralement infestées de chauve-souris ; c’est reconnu. On ne les voit pas, il est vrai ; elles se collent aux voûtes, aux parois et il est rare qu’on en aperçoive une seule… Mais de savoir qu’elles sont là, cela ne saurait manquer d’occasionner des frissons de dégoût et de crainte.

— Ce hibou… dit soudain Mme Foulon ; il n’a pas bougé seulement, depuis cinq minutes que nous sommes ici, à le regarder.

— C’est l’oiseau du malheur… murmura Luella.

— Ah ! Oui ! C’est ce qu’on prétend, du moins, répliqua en souriant Lionel Jacques.

— J’ai… J’ai peur, M. Ducastel ! balbutia la jeune fille.

— Le hibou est inoffensif, tout à fait inoffensif, du moment qu’on ne l’attaque pas, répondit Yvon. Venez. Mlle d’Azur ! Venez, tous !

À ce moment, un cri lamentable parvint à leurs oreilles : « Hou-ouou ! Hou-ou-ou- ! Hou-ou-ou ! » disait une voix.

— Oh ! Que je déteste le cri du hibou ! C’est si… si… lugubre ! s’exclama Mme Foulon, en portant ses deux mains à ses oreilles.

— Allons ! Continuons notre promenade. suggéra Yvon ; laissons le hibou dans son domaine… l’obscurité, je veux dire.

Mais, maître hibou ne l’entendait pas ainsi. Il avait son idée cet oiseau ; car aussitôt que les explorateurs lui eurent tourné le dos, il battit lentement des ailes, tout d’abord, puis il se mit à les suivre. Bientôt il voltigeait au-dessus de leurs têtes à l’extrême terreur des femmes… peut-être aussi à celle des hommes, Yvon fut favorisé d’un coup d’aile de l’oiseau nocturne, en passant.

— Chassez-le ! De grâce, chassez-le ! cria Luella.

— Ne dirait-on pas qu’elle nous poursuit l’horrible bête ! cria, à son tour, Mme Foulon.

— Chassez-le ! Chassez-le ! sanglotait la jeune fille, en saisissant le bras de son compagnon.

— Il est parti, disparu ; voyez ! répondit Yvon.

— Il va nous arriver malheur, je le sens je le sais ! pleurait la jeune