lade… bien malade… Moi, je ne pouvais pas le quitter, dit Salomé, car, sans cesse, il réclamait mes soins… Oui il est malade M. d’Azur… Des syncopes… puis, il est blessé au pied… Il croyait Mlle Luella dans sa chambre ; je n’osais pas lui dire qu’elle n’était pas revenue… il en serait mort, je crois !
Elle allait bien la négresse ! Elle répétait sa leçon parfaitement.
Lionel Jacques traduisit la tirade de Salomé à ceux qui ne comprenaient pas l’anglais ; les explications de la négresse leur parurent, à tous, fort valables.
Tout à coup, la servante s’approcha du canapé et s’agenouillant, elle examina attentivement sa jeune maitresse.
— Miséricorde ! s’écria-t-elle soudain. Mais ! Elle a réellement perdu connaissance !… Mlle Luella ! Ô Mlle Luella.
Elle étreignit la jeune fille contre son cœur ; elle paraissait folle de désespoir. De grosses larmes coulaient sur ses joues.
— Certainement, Salomé, Mlle d’Azur est sans connaissance ; je vous l’ai dit en arrivant, répondit Lionel Jacques, assurément fort étonné de l’attitude de la négresse.
Comment pouvait-il la soupçonner d’avoir joué un rôle tout à l’heure ? Comment eut-il pu savoir qu’elle s’était préparée d’avance à la scène qu’elle avait faite à l’arrivée de Luella ?
Mais Salomé était mortellement découragée et inquiète ; M. Broussailles ne lui avait-il pas dit que les choses se passeraient exactement telles qu’elles s’étaient passées ; qu’on lui ramènerait sa Miss Luella dans un état qui donnerait à tous la pensée qu’elle était évanouie, mais qu’elle (Salomé) n’aurait rien à craindre pour sa jeune maîtresse… Et voilà que celle-ci était réellement évanouie… Allait-elle mourir ?… N’était-elle pas morte ?… Elle paraissait l’être… Et puis, cette blessure à la tête, autour de laquelle le sang s’était coagulé !…
— Mlle Luella ! Mlle Luella ! ne cessait-elle de crier.
— Allons, allons, Salomé ! fit Lionel Jacques. Pourquoi ce…
— Je croyais… Je croyais… commença-t-elle. Puis, apercevant soudain Patrice Broussailles, elle s’exclama :
— Vous m’aviez dit que Mlle Luella…
— Taisez-vous. Salomé ! Ne faites pas de scène, hein ! répondit Patrice en pâlissant affreusement. Quant à moi, reprit-il en souriant d’un sourire très forcé, c’est la première fois que je vous vois, depuis le « désastre » ce n’est donc pas moi qui vous ai dit… quoique ce soit.
Tout en parlant, il serrait comme dans un étau le bras de la négresse. La malheureuse ! Allait-elle les trahir, lui et Luella ? Elle en serait bien capable, affolée de douleur comme elle l’était !
— Est-ce… est-ce qu’elle est morte ? demanda la négresse, en désignant Luella. Elle… elle ne… bouge pas… ajouta-t-elle, tandis que ses dents claquaient comme des castagnettes.
— Mlle d’Azur n’est qu’évanouie ; nous vous l’avons dit déjà ; cette blessure à la tête en est cause, sans doute, fit M. Foulon.
— Ne rendez pas la situation plus grave, plus intolérable, je vous prie, Salomé, intervint Lionel Jacques, en prie, en faisant une scène… Dieu sait que nous en avons eu assez aujourd’hui !
— Oui, cessez, hein, Salomé ! fit durement Patrice Broussailles.
Les yeux de la négresse roulèrent dans leurs orbites ; elle se tordait les bras en gémissant ; mais elle ne proféra plus un mot… au grand soulagement de Patrice qui, vraiment, avait eu, pour un instant, la vision de ses dix mille dollars s’envolant à tire d’ailes.
Tous ceux qui étaient présents d’ailleurs respirèrent plus à l’aise lorsque la négresse se tut, car tous, hommes comme femmes, étaient suprêmement énervé ; par les événements de la soirée.
Les malades (nous voulons parler d’Yvon et de Luella) ayant été transportés dans leurs chambres, respectives, on envoya chercher le médecin. Mais le Docteur Rupert avait infiniment à faire : il y avait tant de malades et de blessés dans la ville !
Ce ne fut qu’une heure plus tard