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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

Le maitre de la maison était seul, et sa surprise fut bien grande en apercevant son jeune ami.

— Yvon ! s’écria-t-il. Mais ! Depuis quand es-tu ici ?

— Je ne fais qu’arriver, M. Jacques, répondit le jeune homme en plaçant sa main dans celle de son ami.

— J’étais loin de me douter…

— Catherine m’a dit d’entrer tout droit et de vous attendre, M. Jacques ; elle vous croyait au presbytère.

— Y a-t-il longtemps que tu m’attends ? (Yvon crut discerner une certaine inquiétude dans la voix de son ami).

— Je vous l’ai dit, je ne faisais qu’arriver… Cinq minutes à peu près…

— Viens dans mon étude, Yvon !

— Pourquoi pas sur la véranda plutôt ? La température est idéale ; nous serons si bien là pour causer.

— Comme tu voudras, mon garçon !

Bientôt, ils furent installés sur la véranda. Yvon était encore très pâle ; quant à Lionel Jacques, il paraissait mal à l’aise.

— Es-tu venu ici à cheval, Yvon ?

— Oui, M. Jacques. Presto est dans l’écurie… quoique j’aurais aussi bien fait de l’attacher à un arbre quelconque, car je ne peux être qu’une heure, au plus.

— Comment cela ? Pour une heure, dis-tu ?… Mais, je te garde à souper, mon garçon !

— Impossible, M. Jacques ! Je vous remercie, tout de même.

— Je ne te laisserai pourtant pas retourner à W… le ventre vide, dit, en riant le propriétaire de la Ville Blanche. Pourquoi es-tu si pressé de…

— Je vais tout vous expliquer, et vous allez vite comprendre que je ne puisse rester à souper avec vous, ce soir… Quand je vous aurai fait connaître le but de ma visite…

— Tu as l’air bien solennel, Yvon. Qu’y a-t-il donc ?

— Je n’ai aucune raison pour être réellement solennel, M. Jacques, répondit le jeune homme… quoique ce soit assez grave, important, du moins, ce que j’ai à vous apprendre.

— Moi qui croyais que tu étais venu me voir tout simplement… murmura Lionel Jacques. Qu’as-tu à m’apprendre, mon jeune ami ?

— C’est une grande nouvelle… une nouvelle qui va vous surprendre, je crois… Je ne sais si elle vous fera plaisir ou non, par exemple.

— Je t’écoute, Yvon…

— La nouvelle que j’ai à vous annoncer, c’est celle de mon prochain, mon très prochain mariage.

— Hein — Tu dis ?

— Vous paraissez bien étonné, M. Jacques, fit Yvon en souriant ; aviez-vous cru que je ne me marierais jamais ?

— Non ! Non ! Bien sûr ! Seulement… Mais qui —

— Avant un mois, j’épouserai Mlle d’Azur.

Mlle d’Azur !… Ah ! oui… Celle qui t’a sauvé la vie, lors du « désastre » comme ça se dit, par ici !

— Ce mariage vous… vous surprend beaucoup, n’est-ce pas, M. Jacques… si j’en juge par votre physionomie… et votre ton ?

— J’avoue que je suis un peu étonné… mais j’en reviendrai, répliqua, en riant, Lionel Jacques. C’est que j’aurais cru que…

— Qu’est-ce que vous aviez cru ?

— Qu’importe ! Ça n’a pas d’importance, vois-tu… Mais, dis donc, mon garçon, Mlle d’Azur t’a-t-elle donné de plus amples détails sur ce sauvetage qu’elle a opéré ? Il serait fort intéressant de savoir comment elle s’y est prise pour…

— Je ne l’ai jamais questionnée à ce propos, répondit notre ami. J’ai, cependant, fait venir le sujet, hier soir : mais Mlle d’Azur avait l’air si agitée, si nerveuse, que j’ai dû renoncer à me renseigner. M. d’Azur, d’ailleurs, prétend que le médecin a défendu expressément de parler de ces choses devant Luella… du moins, pour quelque temps encore. Elle a été si malade !

— Et vous allez vous marier dans un mois ?… De courtes fiançailles, n’est-ce pas, mon ami.

— Oui, très courtes. Mais, le soir même de nos fiançailles, M. d’Azur a reçu un câblogramme l’appelant en France… Nous l’accompagnerons ; ce sera notre voyage de noces.

— Et un fameux ! s’exclama Lionel Jacques. Serez-vous longtemps partis ? demanda-t-il ensuite.