mon garçon de bureau vous savez, a assisté à son départ ; je lui avais donné congé pour cela.
— Et c’est certain qu’ils sont partis ?
— Mais, oui ! s’écria le jeune homme, étonné.
Luella et son père échangèrent un regard rapide et tous deux eurent un soupir de soulagement. Jacobin… Ils avaient eu tort de tant le craindre… quoique, il est vrai que le danger, pour quelques heures du moins avait été terrible. Mais déjà leurs inquiétudes s’évanouissaient.
Ce soir-là, Luella ne se mit pas à table.
— Luella ?… demanda Yvon.
— Elle prétend qu’elle n’a pas faim ; qu’elle ne pourrait pas avaler une seule bouchée, répondit Richard d’Azur qui, assurément, paraissait fort inquiet. Elle nous attend dans le salon : je lui ai dit que nous irions l’y rejoindre, tout à l’heure.
— Pauvre Luella ! s’exclama Yvon. C’est souvent à son tour d’être malade, la pauvre enfant.
— Je ne vous cacherai pas que je suis inquiet et que je me propose de faire venir le médecin, demain matin, si elle n’est pas mieux.
Luella ne veilla pas tard ; à neuf heures elle s’excusa en disant qu’elle allait se retirer pour la nuit.
— J’ai tellement mal à la tête ! ajouta-t-elle. Chaque fois que je tousse, on dirait que ma tête va éclater.
— Veux-tu, ma chérie, je vais aller chercher le médecin tout de suite ? suggéra Richard d’azur.
— Je vais aller le chercher, moi ! proposa Yvon.
— Non, je ne veux pas, père… Yvon ! Demain, si ça ne va pas mieux, nous verrons.
Lorsqu’elle eut quitté le salon, Richard d’Azur se laissa tomber sur un fauteuil en soupirant.
— Ô M. Ducastel ! s’écria-t-il. Si vous saviez ce que c’est que de n’avoir qu’une seule enfant… comme on tremble, sans cesse, de la perdre !
Au grand étonnement d’Yvon, des larmes coulèrent, pressées, sur les joues du père de Luella.
— Mon Dieu, M. d’Azur, je ne me désolerais pas ainsi, à votre place ! répondit le jeune homme, vraiment sympathique. L’automne, voyez-vous continua-t-il, c’est la saison des rhumes et de bien d’autres inconvénients.
— Espérons que je m’inquiète à tort espérons-le ! Vous serez bon, tendre et indulgent pour ma fille, n’est-ce pas, M. Ducastel ?
— En pouvez-vous douter même un instant, M. d’Azur ?
— Non, je n’en doute pas.
Le lendemain midi, Yvon, en se rendant à son ouvrage, croisa le Docteur Rupert, qui l’arrêta pour lui dire :
— J’arrive de chez M. Francœur, M. Ducastel.
— Vraiment ? s’écria le jeune homme. Qui donc est malade là ?… Ah !… Mlle d’Azur ?
— Oui, Mlle d’Azur… Je crains pour elle une assez forte attaque de l’influenza.
Richard d’Azur fut invisible, ce midi-là ; il était auprès de sa fille.
À cinq heures, ce même jour, Yvon allait quitter son bureau, lorsqu’arriva le médecin. Il avait l’air tout chose.
— Pardon, M. Ducastel, fit-il ; mais j’aurais à vous entretenir quelques instants.
— Certainement. Docteur, répondit notre ami. Entrez et prenez un siège.
— Je suis pressé, dit le médecin. Mais voici : j’arrive de chez M. Francœur.
— Mon Dieu ! Mlle d’Azur serait-elle rempirée ?
— Je ne sais pas…
— Vous… quoi ?… Vous ne savez pas ?
— Mlle d’Azur n’est ni mieux ni pire, parait-il.
— « Parait-il », dites-vous ?… Est-ce que vous ne l’avez pas vue ?
— Non, je ne l’ai pas vue… La négresse n’a jamais voulu me laisser entrer ; debout sur le seuil de la porte de chambre de Mlle d’Azur, elle semble avoir été placée là pour empêcher qui que ce soit de passer.
— C’est… C’est étrange… murmura Yvon.
— J’ai vu M. d’Azur, en sortant et je ne lui ai pas ménagé ma façon de penser je vous en passe mon billet !
— Et qu’a-t-il dit ?