il aurait bien des occasions de rencontrer M. et Mme Jacques… Eh ! bien, ils seraient amis quand même, lui et Annette ; ils se l’étaient promis.
Désirant chasser ces pensées d’Annette qu’il n’avait plus le droit d’entretenir, lui semblait-il, notre ami se plongea dans le travail… Il pouvait travailler sans distractions, car tout était silencieux autour de lui.
W… était déjà endormie ; peu de lumières se voyaient dans les différentes résidences, car il était neuf heures et demie ; à cette heure peu de gens veillaient encore. Yvon entrevoyait, de son bureau, quelques lumières assez faibles ; c’était celles que projetaient les becs de gaz, aux coins des rues. Ce n’était pas gai, non, pas du tout ! et notre héros avait mis du temps, beaucoup de temps, à s’habituer à la tranquillité qui l’entourait… Aujourd’hui il aimait W… et ne l’aurait pas quitté définitivement pour tout au monde.
N’empêche qu’il avait trouvé cela extrêmement monotone, dans les premiers jours ; le silence et l’obscurité des nuits surtout lui avaient quelque peu porté sur les nerfs…
Le silence ?… Pas un son ne lui parvenait en ce moment, ni du côté de la ville, ni de l’emplacement où se trouvait son bureau…
Mais… Écoutez !… Venant de loin… de l’autre bout de la ville… Qu’était-ce ?… N’était-ce pas l’aboiement d’un chien ?… Un chien de forte taille, car son aboiement était formidable.
Sans trop s’en rendre compte. Yvon prêtait l’oreille et distraitement suivait par l’imagination, le chemin que devait parcourir le chien… Il paraissait venir dans la direction de son bureau… Parfois, il cessait d’aboyer pour gronder sourdement et ces grondements, quoiqu’éloignés, avaient quelque chose d’effrayant, de menaçant… Puis, à un moment donné, ce fut un hurlement, à faire dresser les cheveux sur la tête du plus brave.
Et l’animal approchait… il approchait toujours et assez rapidement…
— Ma foi ! On dirait qu’il s’en vient tout droit ici ce chien ! se dit Yvon. Et tiens ! ajouta-t-il aussitôt, n’est-ce pas le bruit d’une voiture qui m’arrive à présent ?… Cette voiture… Ne dirait-on pas qu’elle s’achemine de ce côté, elle aussi ?… Ah ! bah ! reprit-il bientôt c’est l’effet du silence probablement… Pourquoi ce chien et cette voiture (cette voiture semblant suivre le chien plutôt que le précéder) se dirigeraient-ils par ici ?
Presque tout de suite cependant, il n’en doute plus… Les aboiements devenaient de plus en plus forts, de plus en plus rapprochés… le chien ne devait pas être loin… La voiture venait vite aussi…
Soudain, Yvon bondit sur sa chaise et une expression étonnée apparut sur son visage ; le chien venait de franchir le seuil de la porte de son bureau, (cette porte, il l’avait laissée ouverte) et aussitôt, un puissant animal, traînant derrière lui une longue chaîne, se jetait littéralement sur le jeune homme en hurlant lamentablement.
— Guido !… C’est Guido ! s’écria Yvon, reconnaissant le collie, ainsi que son collier et sa chaine.
Guido, (c’était bien lui) se mit à hurler de plus en plus fort, puis, saisissant entre ses dents le bas des pantalons d’Yvon, on eût dit qu’il cherchait à entraîner celui-ci dehors.
— Guido !… répéta notre ami. Mais… Comment se fait-il ?… Annette… Où est-elle ?… Ô ciel ! s’écria-t-il ensuite. Il est arrivé un accident à Annette !
Occupé à apostropher le chien comme si celui-ci eut pu le comprendre Yvon n’eut pas connaissance de l’arrivée d’une voiture à la porte de son bureau.
— M. Ducastel ! cria une voix. Êtes-vous là ?
— Mme Francœur ! répondit Yvon.
La maitresse de pension entra, presque courant, suivie de son mari.
— Guido !… il est donc ici ? fit-elle. Mon Dieu ! Il est arrivé malheur à Mlle Annette, sanglota Mme Francœur.
— Annette ?… Mais… Je ne comprends pas… N’est-elle pas retournée à la Maison Grise ?
— Non, M. l’Inspecteur. Elle