Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
L’HOMME DE LA MAISON GRISE

M. Villemont viendra vous rendre visite dans le courant de l’avant-midi, M. Jacques, annonça Yvon.

— Ah ! C’est très bien. Je veux régler cette affaire avec lui, le plus tôt possible.

— Savez-vous, M. Jacques, reprit le jeune homme, il y a une chose assez singulière que j’ai remarquée, ce matin, en entrant dans la cuisine ; Guido n’y était pas.

— Guido ?… questionna Lionel Jacques.

— Tiens ! C’est vrai ! Vous étiez trop souffrant, hier soir, pour remarquer le magnifique collie, qui a fait tant de tapage, à notre arrivée.

— Et tu dis que…

— Que Guido a disparu… et c’est étrange.

— Allons donc ? fit Lionel Jacques, qui haussa les épaules en riant. Parce que le chien est allé faire une course dehors, tu y vois quelque chose d’étrange… Étrangeté… Mystère… tu es résolu d’en voir partout, hein ? Jeunesse, jeunesse, que ton âge est à plaindre ! ajouta-t-il, riant de plus en plus fort.

— Pourtant, vous ne pouvez nier que la Maison Grise et son propriétaire soient… soient…

— La Maison Grise est une maison comme une autre, qui tombe en ruines, tout simplement, je crois. Quant à M. Villemont, sans doute, c’est un original, d’après ce que tu m’as dit, mais voilà tout.

— Nous verrons bien ! fit Yvon, entre ses dents.

Vers les dix heures de l’avant-midi, M. Villemont frappa à la porte de chambre des deux amis.

— Entrez ! fit Lionel Jacques.

L’homme de la Maison Grise entra ; il portait à la main une boîte, qu’il déposa sur le bureau de toilette.

— Vous m’avez fait demander ? dit-il. Qu’y a-t-il ?

— Prenez un siège, je vous prie, fit Lionel Jacques.

— Non, merci. Je suis pressé… Vous avez quelque chose à me dire ? Qu’est-ce ?

— Monsieur, fit Lionel Jacques, assurément fort étonné des manières et du langage si brusques de son hôte, le malheur a voulu que je me sois donné une entorse, non loin de votre maison et que je me sois vu obligé de solliciter votre hospitalité. Je comprends très bien que cela doit vous ennuyer et vous incommoder de vous voir obligé de nous accueillir sous votre toit…

— Je ne conteste pas cela…, je vis en hermite, ici et les étrangers ne sont pas les bienvenus à la Maison Grise.

— Vous êtes franc, au moins ! s’écria Lionel Jacques, qui ne put s’empêcher de sourire, tant le sans-gêne de cet homme l’amusait.

— Pourquoi pas ?… Cependant, malgré ma préférence pour la complète solitude, il me reste encore quelques sentiments humains, et je ne pouvais pas vous fermer la porte de ma maison, dans les circonstances.

— Je le comprends… Une entorse est une chose pénible et longue, reprit le malade ; il est possible que j’en aie pour deux ou trois semaines à être ici, et comme M. Ducastel refuse de me quitter, je voulais vous dire que nous n’accepterons pas gratuitement votre hospitalité, bien entendu ! Ça ne serait pas raisonnable non plus…. Veuillez donc nous fixer un prix, pour notre chambre et notre pension : nous le paierons gaiement.

— Monsieur, fit l’hermite, il y a eu un temps où j’aurais considéré votre offre comme une presqu’insulte… mais ce temps n’est plus…. J’ai connu l’opulence ; aujourd’hui, je suis pauvre… ruiné…

Bref, il fut convenu que nos amis paieraient leur chambre et leur pension à M. Villemont : c’est ce dernier qui en fixa le prix… un prix… raide ; il ne pouvait y avoir deux opinions là-dessus.

— C’est convenu alors, dit, seulement. Lionel Jacques.

— Vous désirez avoir du papier à lettres et des enveloppes ? dit M. Villemont. Vous trouverez ce qu’il vous faut là-dedans, ajouta-t-il, en désignant la boîte qu’il avait placée sur le bureau, en entrant. Je n’ai pu trouver autre chose ; même, je ne sais trop d’où cela provient cette boîte. Probablement l’une de mes ancêtres en aurait fait usage