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Page:Lacerte - L'homme de la maison grise, 1933.djvu/73

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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

— Alors, fit Yvon, rien ne vous serait plus facile que de rester à W… le soir du concert, ce me semble… Une excuse quelconque…

— Un mensonge ?…

À cette question d’Annette le jeune homme ne répondit pas. Qu’aurait-il pu dire d’ailleurs ? Il trouva préférable de parler d’un projet qu’il avait en tête depuis assez longtemps :

— Savez-vous, ma petite amie, dit-il, il vous faudrait faire la connaissance de Mme Francœur, ma maîtresse de pension ; je suis sûre qu’elle arrangerait l’affaire du concert de ces mieux… C’est une fort excellente femme que Mme Francœur, je vous l’assure, Annette, et je sais qu’elle vous aimerait tout plein, si elle vous connaissait.

— L’idée d’Yvon est bonne, je crois, chère enfant, interposa Lionel Jacques. Mme Francœur s’intéresserait à vous et il serait à propos que vous eussiez une femme pour amie.

— Pourtant, M. Jacques, répondit Annette, grand-père finirait par le savoir, ou, du moins, s’en douter, si je faisais trop de connaissances, et vraiment, je ne saurais vous le cacher, je tremble à la pensée de ce qui arriverait, s’il apprenait jamais que je l’ai trompé !

— Nous reprendrons ce sujet, voulez-vous, Annette ? dit Lionel Jacques, au moment où l’on se levait de table.

— Certainement, si vous le désirez, M. Jacques !

Le projet de concert avait tellement de charme pour nos trois amis qu’ils causèrent encore longuement, après le dîner.

— C’est le curé qui va être content ! s’exclamait, à tout propos, Lionel Jacques. Il a besoin de tant de choses pour son église, et notre concert ne peut manquer de rapporter gros.

— Espérons-le du moins, ajouta Yvon.

Dans le courant de l’après-midi, les deux jeunes gens allèrent faire une petite promenade à pied. Yvon tenait à ce qu’Annette parcourut toute la Ville Blanche, en sa compagnie.

Lorsqu’ils revinrent de leur promenade et qu’ils allaient passer devant le magasin. Yvon vit Mme Foulon, sur sa véranda. En apercevant les deux jeunes gens, l’aimable femme se pencha au-dessus du garde-corps et dit :

— Bonjour, M. Ducastel !…

— Bonjour, Mme Foulon, répondit Yvon en enlevant son chapeau.

— Vous ne passez pas sans arrêter, sûrement ! reprit Mme Foulon. Ne viendrez-vous pas vous asseoir sur ma véranda et me tenir compagnie, M. Ducastel, ainsi que Mademoiselle. Elle désigna Annette.

Mlle Villemont, Mme Foulon, fit le jeune homme. Annette, ajouta-t-il c’est Mme Foulon… Vous avez entendu M. Jacques mentionner le nom de Mme Foulon, plus d’une fois.

— Je suis heureuse de faire votre connaissance, Mlle Villemont, dit l’excellente femme, en prenant la main d’Annette et attirant la jeune fille auprès d’elle. Je savais que vous étiez en visite au Gîte-Riant. comme de raison, reprit-elle en riant ; les nouvelles vont toujours bon train, à la Ville Blanche ; elles sont si rares !

— Madame, fit Annette, alors que tous trois causaient ensemble, j’aimerais bien vous entendre jouer du piano et chanter ! M. Jacques et M. Ducastel m’ont dit que vous étiez musicienne et que vous possédiez une belle voix de contralto.

— Entrons au salon alors, répondit Mme Foulon. Je suis certaine que vous êtes musicienne et que vous chantez aussi, Mlle Villemont ?

— Un peu… Très peu… M. Ducastel…

— Je connais son talent ! M. Ducastel a chanté dans l’église, à la grand’messe, dimanche dernier.

Une demi heure fort agréable fut passée chez la femme du marchand. À deux ou trois reprises, Yvon avait ouvert la bouche, pour parler du projet de concert ; mais il avait été interrompu, et ensuite, il n’y avait plus pensé.

On se sépara, avec promesse de se revoir.

— J’espère que vous ne manquerez pas de venir me rendre visite, chaque fois que vous viendrez à la