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L’OMBRE DU BEFFROI

petit père, achetez-le ! Nous serions si, si heureux ici !

— Mon enfant, répondit Henri Fauvet, encore faut-il que je sache à qui m’adresser, pour faire cet achat… Tiens, j’y songe ! M. Le Briel pourra me renseigner probablement. J’irai le voir demain, et si je puis acquérir cette ancienne abbaye à un prix raisonnable, je te la donnerai en cadeau de fête et nous nous y installerons, aussitôt que nous l’aurons rendue habitable.

Le lendemain, selon sa promesse, Henri fit seller Stella et Phébée, et, accompagné de Cyp, il se rendit chez Raymond Le Briel, qui fut très enchanté de le voir.

Quand Henri Fauvet eut expliqué à Raymond Le Briel la raison de sa visite, celui-ci s’écria :

— Vous désirez acheter cette propriété, M. Fauvet ? Vous ne sauriez mieux vous adresser, car elle m’appartient.

— Vraiment !

— Oui. C’est, en effet, une ancienne abbaye. Mon père l’avait achetée, et nous y avons demeuré jusqu’à sa mort, arrivée il y a cinq ans. S’il ne s’est présenté aucun acquéreur, c’est que l’abbaye, du moins la chapelle et le beffroi, ont la réputation d’être hantés, dit, en souriant, Raymond Le Briel. Mais, la maison est à vous, si vous désirez l’acheter, et je vous la céderai à des conditions très faciles et fort avantageuses.

— Alors, c’est presque marché conclu ! répondit Henri Fauvet.

— Ainsi, Mlle  Fauvet est enthousiasmée de l’ancienne abbaye ?

— Oh ! oui. Elle l’a nommée : « Le Beffroi » ; nom assez… lugubre, me semble-t-il, répondit le père de Marcelle, en souriant.

Raymond Le Briel, eut donné l’ancienne abbaye à Henri Fauvet. Avoir Marcelle pour voisine ! Ce serait idéal, idéal !

Quand Henri Fauvet revint au campement, ce soir-là, il remit à Marcelle un papier et lui dit :

— Voici mon cadeau de fête, ma chérie ! Le Beffroi t’appartient ; j’en ai même payé, par chèque, plus de la moitié du prix demandé.

— Oh ! Comment vous remercier, cher, cher petit père !

— Je suis content de t’avoir fait plaisir, Marcelle… M. Le Briel va s’occuper de trouver des ouvriers pour les travaux de réparations qu’il y aura à faire. Moi, je vais partir pour Québec, où j’ai d’importantes affaires à régler ; j’essayerai, en même temps de vendre le Nid. Je verrai aussi à faire expédier nos meubles, effets, et le reste, ici. V. P. surveillera les travaux, au Beffroi, sous tes ordres, ma chérie. Je ne serai inquiet ni de toi, ni de Dolorès, pendant mon absence, car je vous laisserai toutes deux aux soins de Rose et de Mme  Emmanuel.

— Serez-vous longtemps absent, père ? demanda Marcelle.

— Le moins longtemps possible, tu le penses bien, mon enfant ; un mois tout au plus.

Trois jours plus tard, Henri Fauvet partait pour Québec, et le lendemain, les travaux de réparations commencèrent au Beffroi. On devait travailler vite et bien, afin que tout fut terminé avant le retour de M. Fauvet.


CHAPITRE XII

LA NOUVELLE RÉSIDENCE


Henri Fauvet fut absent cinq semaines ; mais quand il revint, il avait réglé toutes ses affaires à sa satisfaction, vendu le Nid et aussi d’autres propriétés qu’il avait dans la ville de Québec.

— Dolorès, dit Marcelle, lorsqu’elle eut lu la lettre de son père, lui annonçant son arrivée pour le lendemain, lettre qui, entre parenthèses, lui avait été apportée par Raymond Le Briel, père arrivera demain. Quel bonheur de le revoir !

— Demain ! Vraiment ! Heureusement, tout est prêt pour le recevoir.

Mlle  Fauvet, dit Raymond Le Briel, qui était présent, si vous le désirez, j’irai chercher M. Fauvet, à la gare, et le ramènerai ici. (Car on était tout à fait installé au Beffroi).

— Ce serait si gentil de votre part, M. Le Briel ! s’écria Marcelle. J’accepte votre offre avec plaisir, à la condition que vous resterez à dîner et passer la soirée au Beffroi.

— Merci, Mlle  Fauvet ! J’accepte votre invitation avec grand plaisir !

— Père aimera à vous remercier pour tous les services que vous nous avez rendus, M. Le Briel. C’est beaucoup grâce à votre infatigable dévouement que le Beffroi est prêt à le recevoir ce cher petit père.

— N’en parlez pas, je vous prie ! s’exclama Raymond. Ça été pour moi un réel plaisir et une agréable distraction d’avoir pu surveiller les travaux ; si, en même temps, j’ai eu l’heureuse chance de vous rendre service, je suis au comble du bonheur !

— Pauvre M. Le Briel ! se disait Dolorès. Il adore Marcelle, qui, elle, ne s’en doute même pas.

Lorsque Henri Fauvet arriva chez lui, le lendemain midi, il fut étonné des changements qui s’étaient opérés à sa nouvelle résidence et aux environs.

Tout d’abord, le vieux pont avait été démoli et en son lieu et place, s’élevait un pont superbe, aux garde-corps de fer forgé, surmontés de deux arches, au sommet desquelles se voyait, découpé à jour : « Pont du Tocsin ».

Aussitôt le Pont du Tocsin franchi, on apercevait le Beffroi et les terrains qui l’environnaient. Ce n’étaient plus des broussailles presqu’impassibles : de vertes pelouses s’étendaient à perte de vue, en arrière de l’ancienne abbaye, jusqu’à la forêt. En avant de la maison, un vaste parterre, disposé en échelons, aboutissait aux premières marches conduisant à la porte d’entrée.

— Père ! Père chéri !

— Marcelle ! Ma Marcelle !

— Vous allez voir, petit père, comme c’est beau le Beffroi !

— Je n’en doute pas, ma chérie ! Eh ! bien, Dolorès, comment te plais-tu au Beffroi ?

— Oh ! c’est un vrai palais d’Aladin, M. Fauvet ! Nous sommes si contentes de vous revoir !

Dans le corridor d’entrée, Marcelle avait groupé les domestiques ; tous souhaitèrent la bienvenue à Henri Fauvet. Ce corridor, orné de statues et de quelques meubles antiques, était splendide. Dans une vaste cheminée,