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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/105

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LE BRACELET DE FER

un éternel célibat, que je sache, tante Berthe ! répondit Paul, en riant d’un grand cœur. Moi, je connais une aimable et charmante demoiselle… qui, elle non plus, n’a rien juré…

— Ô Paul, comment peux-tu me taquiner ainsi ! s’exclama, en rougissant, la vieille demoiselle. Je…

— Vous taquiner, dites-vous ?… Mais… je ne comprends pas ce que vous voulez dire… Je n’ai nommé personne. Et Paul partit d’un joyeux éclat de rire, auquel « tante Berthe » fit bientôt chorus.

— Ah ! Tiens ! Va-t-en, Paul ! s’écria-t-elle, feignant un grand mécontentement. Tu devrais avoir honte, vraiment, de taquiner ainsi une personne de mon âge… Le Notaire…

— Le Notaire m’écrit qu’il désire me voir, par affaire ; je vais donc vous obéir et m’en aller, tante Berthe… Je reviendrai, par exemple, ajouta-t-il en riant, je reviendrai… bien avant les noces. Ha, ha, ha !

Mlle Fiermont hocha la tête, en signe de réprimande ; mais elle ne put s’empêcher de rire, tant la gaieté de Paul était contagieuse.

— Et quand seras-tu de retour, Paul ?

— Demain soir, le plus tard. Au revoir donc, tante Berthe !

— Au revoir, Paul, cher Paul !

— Devrais-je offrir vos félicitations au Notaire Schrybe, à propos de son acquisition de La Solitude, je veux dire ?

— Mais, oui, si tu le juges à propos.

Negro ayant été sellé, Paul partit pour Québec. Tout en cheminant, il se penchait souvent sur sa selle et riait d’un bon cœur ; c’est qu’il s’était fort bien aperçu de ce qui se passait au « château » depuis un mois ou deux : le Notaire Schrybe courtisait Mlle Fiermont… et cette idylle de l’âge mûr, avait le don d’amuser prodigieusement notre jeune ami.

Chapitre II

UNE VOIX D’OUTRE-TOMBE


Paul Fiermont retournait à son club, après s’être rendu chez le Notaire Schrybe.

Le notaire avait été absent de son étude ; mais il avait laissé un court billet pour Paul, et aussi une enveloppe, cachetée d’un triple sceau.

« Cher Paul, disait le notaire dans son billet,

Je regrette de ne pouvoir t’attendre ; je suis appelé auprès d’un mourant ; affaire de testament, tu sais. Arthur, mon jeune clerc, te remettra ce billet, ainsi qu’une enveloppe cachetée, dont j’ignore moi-même le contenu.

Au revoir. Je t’écris ceci à la course.

Te verrai au « château », dimanche probablement.

V. SCHRYBE »

Paul se hâta d’ouvrir l’enveloppe cachetée, aussitôt qu’il fut rendu à sa chambre. Il eut une exclamation de surprise en constatant qu’elle contenait une autre enveloppe, aussi à son adresse, mais de l’écriture de Delmas Fiermont, son oncle.

— Une lettre de l’oncle Delmas ! se dit-il. Que peut-elle bien contenir ?

Un peu de pâleur était venue aux joues du jeune homme… Une lettre d’un trépassé… c’est comme une voix d’outre-tombe… Même la lecture d’un testament a quelque chose de très impressionnant, comme si celui, ou celle, qui vient de mourir et dont les funérailles viennent d’avoir lieu, nous parlait encore.

D’une main qui tremblait, Paul ouvrit l’enveloppe et il en retira une lettre. C’était une longue lettre, datée du 20 août, deux années auparavant.

Il commença à lire… Mais, aux premiers mots, il eut une exclamation étouffée, tandis qu’une expression de grand étonnement se peignit sur son visage. Voici ce qu’il venait de lire :


« Le « Château », 20 août, 18…

Paul, mon fils »,

Ainsi, Paul était le fils de Delmas Fiermont et non son neveu ?… Cela expliquait alors l’extraordinaire affection qui avait lié les deux hommes…

Mais, notre jeune ami avait excessivement hâte de prendre connaissance de la lettre ; il ne se perdit pas longtemps en conjectures.


« Paul, mon fils, écrivait donc Delmas Fiermont,

Car tu es mon fils, Paul, mon fils unique, mon fils chéri. Ta mère… Mais avant de te raconter le roman de ma vie, je veux implorer ton pardon. Si, au cours de ce récit, tu es tenté de me blâmer, peut-être même de me maudire, rappelle-toi combien je t’ai aimé, Paul, et… pardonne !

Ta mère était une sainte… et si je ne t’ai jamais parlé d’elle ; si personne n’en a jamais entendu parler, ce n’est pas parce qu’elle n’était pas digne de ton respect et de ton affection, ainsi que de l’estime de tous. Au contraire ; car, je le répète, mon fils, ta mère était une sainte.

Il y a vingt-cinq ans, j’étais déjà fortuné. Depuis deux ans, j’avais fait construire le « château »… et te dire si j’étais considéré, envié, fêté, courtisé même… non pas à cause de mon mérite personnel, mais à cause de ma fortune… tu le devines sans peine.

Cependant, un jour, las de dîners, de réceptions, de bals, de théâtre, etc., etc., je partis pour la Grande Décharge, dans les régions du lac St-Jean, où je possédais beaucoup de terrain. J’avais fait construire une maison, qu’on désignait du nom de La Maisonnette sur une partie défrichée de mon terrain, et il me sembla tout à coup que j’aimerais à y aller passer toute la belle saison, vivant de chasse et de pêche, y menant la vie sauvage, enfin. (Ce n’est pas surprenant que tu aimes la vie aventureuse, Paul ; moi aussi, je l’ai beaucoup aimée).

Un jour donc, j’allai relever des collets que j’avais tendu dans le bois à près de deux milles de La Maisonnette. Maladroitement, je glissai sur une pierre, que je n’avais pas aperçue, sur mon chemin, et me donnai une entorse. La