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Page:Lacerte - Le bracelet de fer, 1926.djvu/87

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LE BRACELET DE FER

— Nous n’y manquerons pas, chère enfant, et je suis bien contente qu’une pareille occasion se présente pour vous procurer de l’amusement. Et maintenant, moi aussi, j’ai quelque chose à vous proposer, à toutes, pour demain.

— Qu’est-ce ? Qu’est-ce donc ? s’écrièrent les trois jeunes filles.

— Une excursion à la Pointe Bleue…

— Oh ! Quelle belle idée vous avez là, Mme Brisant !

— N’est-ce pas ?… Nous venons d’acheter une belle grande express à trois sièges : il y a donc place pour six. Je compte : M. Lhorians et Nilka ; Leona et Ève ; Raphaël et moi.

— Vous n’êtes jamais allée à la Pointe Bleue, Nilka ? demanda Leona.

— Non, jamais. Ça doit être intéressant ?

— Ça l’est, assurément ! Ève et moi, nous y sommes allées, il y a deux ans et ce n’était pas la première fois que nous y allions. Les Sauvages de la Pointe Bleue ne sont guère dangereux ; seulement, le mieux, c’est de n’avoir l’air étonné de rien. Ce sont des Montagnais, tribu paisible entre toutes.

— Ainsi, ça vous va, tout plein, l’excursion à la Pointe Bleue, hein, mes enfants ? demanda Mme Brisant.

— Si ça nous va ? Certes !

— Nous partirons entre neuf et dix heures, demain matin. C’est un assez long trajet de Roberval à la Pointe Bleue, et Raphaël n’aime pas à surmener ses chevaux, comme vous le savez. Nous arrêterons vous prendre en passant, Leona, Ève ; tenez-vous prêtes.

— Nous serons prêtes, ne craignez rien, chère bonne Mme Brisant.

— Nous apporterons des paniers et dinerons sur l’herbe… Je connais un bon endroit…

— Ce sera charmant ! s’exclama Nilka, qui n’avait certes pas été gâtée en ces sortes d’amusements.

— À demain donc ! dit Leona, en se levant pour partir.

— Vous partez ? s’écria Cédulie. Je croyais que vous alliez rester à souper avec nous ce soir !

— Rien ne nous serait plus agréable, Mme Brisant, répondit Leona, et merci de votre invitation. Malheureusement, nous ne pouvons pas l’accepter, car il nous reste des invitations à faire pour jeudi soir.

À ce moment, Alexandre Lhorians arrivait dans le jardin ; il vint aussitôt se joindre au groupe qui se tenait sous le vieux pommier.

— Ah ! M. Lhorians ! fit Mme Brisant. Mlles Leona et Ève Laroche, M. Lhorians, ajouta-t-elle, faisant la présentation à sa manière.

— Je suis très heureux de faire votre connaissance, Mlles Laroche, dit l’horloger, en s’inclinant devant les jeunes filles.

— Qu’il a l’air distingué ce M. Lhorians ! se disait Leona.

— Il fait penser à ces ducs et marquis de la vieille France, pensait Ève.

Mlles Laroche sont venues rendre visite à Nilka, dit Cédulie.

— C’est bien aimable à vous, Mesdemoiselles, dit Alexandre Lhorians, et j’espère que vous deviendrez amies, toutes trois, ajouta-t-il. Ma fille n’a fait aucune connaissance encore, en ces régions, à part nos très excellents amis M. et Mme Brisant.

— Nous sommes amies déjà, M. Lhorians ; n’est-ce pas, Nilka ? dit Ève.

— Oui, certes ! répondit Nilka.

— Nous profitons de l’occasion de notre visite à Nilka pour vous inviter à un bal que nous donnons chez-nous, jeudi soir, M. Lhorians, dit Ève.

— Et nous tenons beaucoup à ce que vous accompagniez M. et Mme Brisant et Nilka ; nous y tenons infiniment, fit Leona.

— Merci, Mesdemoiselles, répondit l’horloger, en s’inclinant de nouveau. Si mes occupations me le permettent, j’accompagnerai ma fille, avec plaisir.

— Au revoir donc ! À demain ! dit Ève. Nous serons prêtes, Mme Brisant.

Mais les jeunes filles devaient se rencontrer avant le lendemain, car vers les sept heures et demie, ce soir-là, Leona et Ève, accompagnées d’une autre jeune fille et de deux jeunes gens, arrêtèrent chez les Brisant. Nilka, qui était dans le jardin, accourut au-devant d’eux.

— Nilka, dit Leona, nous venons vous chercher ! Mais auparavant, que nous vous fassions faire la connaissance de nos amis ; voici Mlle Thérèse Lanthier et son frère, M. Louis Lanthier, puis voici aussi mon frère Pierre, que je vous présente. Mes amis, ajouta-t-elle, en s’adressant à ses amis, je vous présente Mlle Nilka Lhorians.

— Il y a si longtemps que je brûle du désir de connaître « la demoiselle de L’Épave » ! dit Pierre Laroche, en souriant.

— Et nous aussi ! s’écrièrent Thérèse Lanthier et son frère.

— Merci, répondit Nilka, en souriant. Quant à moi, je ne saurais vous dire combien il m’est agréable de faire d’aussi aimables connaissances ; moi qui ne connaissais personne ici, excepté M. et Mme Brisant.

— Leona vous a dit, tout à l’heure que nous venions vous chercher, Nilka, dit Ève ; nous allons cueillir des roses sauvages, par là… Il y en a en extraordinaire quantité, parait-il. Venez-vous avec nous ?

— Si père me le permet, j’irai avec le plus grand plaisir du monde.

La permission lui ayant été accordée, Nilka eut vite rejoint l’essaim joyeux de jeunes gens. Tout en marchant, ils parlèrent de l’excursion projetée pour le lendemain.

— Leona nous dit, Mlle Lhorians, que vous allez à la Pointe Bleue demain ? demanda Pierre Laroche.

— Oui, M. Laroche. Ça doit être curieux, cet établissement de Sauvages !

— Vous n’avez pas peur des Sauvages, à ce que je vois, dit Thérèse Lanthier, en riant.

— Peur ?… Pourquoi en aurais-je peur ?… Le seul Sauvage que j’aie rencontré, venait de me sauver la vie, alors que j’allais me noyer.

— Vraiment ! Oh ! racontez-nous cela, Nilka ! s’écria Ève. Tenez, asseyons-nous sur cette pierre plate, tandis que Mlle Lhorians va nous raconter sa grande aventure, ajouta-t-elle, en s’adressant aux autres jeunes gens.

Aussitôt dit, aussitôt fait, et bientôt, Nilka