gues, je crois qu’il serait temps que je vous remette cette bague, qui vous appartient et qui vous vient de votre mère, ajouta-t-elle, présentant au jeune homme l’anneau surmonté d’une escarboucle qu’elle avait porté à son doigt depuis la nuit de son excursion aux Peupliers.
— Mlle Roxane, dit Hugues, ne me feriez-vous pas la faveur de garder cette bague ?
— Mais… c’est impossible ! répondit la jeune fille. Cette bague est en quelque sorte une relique de famille ; M. de Vilnoble, votre père, m’a dit qu’elle avait appartenu à Mme de Vilnoble votre mère… Je sais même que la pierre dont elle est surmontée est d’une grande valeur. Reprenez cette bague, je vous prie !
— Roxane, implora le jeune homme, gardez cette bague, voulez-vous, en souvenir de moi et… Ô Roxane, vous avez deviné que je vous aime, n’est-ce pas ?… Soyez ma femme, ma bien-aimée ! Je vous rendrai heureuse, oh ! si heureuse, ma toute chérie ! Là-bas, aux Peupliers…
— Vous me connaissez à peine, M. de Vilnoble… murmura Roxane.
— Ah ! ne dites pas que je vous connais à peine ! s’écria Hugues. Depuis plus de trois semaines que je suis en contact journalier avec vous… Est-ce surprenant que je vous aime, exquise et noble jeune fille !
Roxane se taisait, mais son cœur battait à rompre sa poitrine. Est-il nécessaire de dire qu’elle aimait Hugues ?… C’étaient deux nobles cœurs cette jeune fille et ce jeune homme, et ils savaient apprécier les qualités l’un de l’autre.
— Vous ne répondez rien, Roxane ? dit Hugues, avec un tremblement dans la voix. Certes, je le sais bien je ne suis pas digne de vous ; mais nul ne pourrait l’être. Vous êtes un ange, Roxane, un ange !
— Ne parlez pas ainsi, M. Hugues, je vous prie, je…
— Roxane ! Roxane ! Dites, ne pourriez-vous pas m’aimer ?… M’aimez-vous… un peu, chérie ?
— Oui… un peu…
— Beaucoup peut-être ?…
— Beaucoup, en effet, murmura la jeune fille.
— Alors… Oh ! alors, dites : « Je serai votre femme, Hugues ! » dites-le ma tant aimée !
— Je serai votre femme, Hugues ! répéta docilement Roxane.
— Que Dieu vous bénisse, ma bien-aimée ! Vous serez la plus heureuse des femmes, je le jure ! s’exclama le jeune homme.
— Mais, se reprit Roxane, je ne puis abandonner Rita !… Ma petite sœur je l’aime tant ! Et j’ai promis à mon père mourant…
— Abandonner Rita ! Certes non ! L’enfant m’est devenue très-chère, vous le savez. Les Peupliers, c’est assez grand pour nous loger tous.
— Puis il y a Belzimir, objecta Roxane. Il ne voudra pas nous quitter Rita et moi.
— Belzimir trouvera de l’emploi aux Peupliers. Vous verrez, Roxane que…
— Je vois bien une chose, dit en riant la jeune fille, c’est que vous avez réponse à tout, Hugues… Mais, l’anneau de votre mère…
— Vous continuerez à la porter, n’est-ce pas, Roxane, en signe de nos fiançailles ?
— Oui, Hugues, promit-elle.
— Ma fiancée ! s’exclama le jeune homme.
— Mon fiancé ! répéta Roxane.
— Vous aimerez Mme Dussol ma tante, Roxane, dit Hugues, car elle est la douceur, la bonté même, et, bien sûr, elle raffolera de vous et de Rita. Quant à Yseult ma cousine…
— Eh ! bien ?
— Eh ! bien, avec la pension que je vais être obligé de lui payer, elle pourra aller demeurer ailleurs. Yseult ne possède pas le plus aimable caractère qu’on puisse rêver…
À ce moment, Rita arriva auprès des fiancés et, comme toujours, elle fut accueillie affectueusement par Hugues.
— Petite Rita, dit-il, félicite-moi, car bientôt, oui bientôt je l’espère, je serai devenu ton frère… Aimeras-tu avoir un grand frère, Rita ?
— Un frère ?… Vous, mon frère !… Je ne comprends pas… murmura l’enfant. Comment pourriez-vous être mon frère, M. Hugues ?
— Bien… vois-tu, Rita… si j’épousais ta sœur chérie Roxane…
— Épouser Roxane !… Vous voulez dire que vous allez vous marier Roxane et vous ? Oh !
— Aimerais-tu venir demeurer aux Peupliers, Rita ? demanda Hugues.
Le visage délicat de la petite infirme se rembrunit.
— Quitter les Barrières-de-Péage ! Oh ! non, non, non !
— C’est bien beau les Peupliers, petite, dit Hugues ; demande plutôt à Roxane…
— Oui, c’est bien beau, Rita, affirma Roxane. Situé sur le bord du lac des Cris…
— Mais, l’îlot ! Je m’ennuierais de notre cher îlot, Roxane ! sanglota l’enfant.
— Écoute, Rita, dit Hugues, en prenant la petite sur ses genoux ; au milieu du lac des Cris, il y a un beau petit îlot, bien plus grand que l’îlot de la barrière, et qui m’appartient ; il m’est parvenu en héritage, de ma mère. Sur cet îlot je construirai un splendide chalet ; de plus, l’îlot sera nommé l’Île Rita.
— Une île qui portera mon nom ! s’écria l’enfant, en battant des mains. Et nous y passerons tous les étés, vous, Roxane et moi ?
— Mais oui, petite chérie ! Nous ferons de l’Île Rita un vrai paradis terrestre, tu verras !
— L’Île Rita… Oh ! dit l’enfant.
— L’Île Rita. N’est-ce pas que c’est joli ? s’écria Hugues.
— Et nous emmènerons Belzimir avec nous ?
— Certes, oui, Rita !
— Et aussi Pompon ? Et Bruno ? Et Zit ?
— Bien sûr ! Bien sûr !
Rita ne put garder pour elle seule la grande nouvelle ; elle en fit part à Belzimir ; elle lui parla aussi et longuement de l’Île Rita, etc. etc. Le domestique ne fut pas du tout