Page:Lacerte - Roxanne, 1924.djvu/73

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l’ouest.

— Oui, M. le Docteur, je sais, répondit Nestor.

— Voulez-vous vous joindre à nous ? reprit le médecin. Vous m’avez dit déjà, connaître parfaitement les routes, sur tous les points cardinaux…

— Oui, Monsieur, je les connais toutes.

— Si vous acceptez de prendre la direction de nos recherches, Nestor, nous saurons reconnaître généreusement vos services. Acceptez-vous ?

— Si j’accepte ?… Dix fois plutôt qu’une ! s’écria Nestor. Quand partons-nous ?

— Cette nuit même ; dans moins de deux heures maintenant.

— Je serai des vôtres, M. le Docteur !

— Merci, mon brave ! Alors, venez vous choisir une monture, dit le Docteur Philibert, qui sortit du salon, suivi de Nestor, de Hugues et d’Armand.

Mme Philibert, dit Lucie, soudain, n’est-ce pas extraordinaire ce qu’a fait Roxane ?… Je veux dire de s’être emparée du testament de M. de Vilnoble, et aussi du petit papier bleu, preuve de l’innocence de M. Lagrève… Je devrais dire M. de Châteauvert… Armand dit…

— Chère Lucie, répondit Mme Philibert, assurément, Roxane a été admirable, admirable ! Ni Hugues, ni Armand n’oublieront, de leur vie, ce qu’ils lui doivent.

— Ni moi, Mme Philibert, ajouta Lucie, en souriant. Armand est mon fiancé, et tout ce qui le concerne m’intéresse au plus haut point.

— Ainsi, Lucie, demanda Mme Philibert, vos sentiments envers Armand n’ont pas changé ?

— Changé ! Certes non, Mme Philibert ! Et depuis que je sais tout ce qu’il a souffert, je l’aime plus que je l’aimais auparavant.

— Pourtant, ma chère enfant, Armand de Châteauvert est trop pauvre pour aspirer à votre main.

— Je suis riche pour deux, Mme Philibert, répondit la jeune fille.

— Sans doute ! Sans doute ! Mais…

Mme Philibert, demanda Lucie, pourquoi n’aimez-vous pas Armand ?

— Ne pas aimer Armand ! Moi !

— Armand doit être votre neveu… Je ne sais pas… Mais il est le cousin de Hugues…

— Armand de Châteauvert n’est pas mon neveu. Lucie.

— Non ?

— Non. Armand est mon… fils.

— Votre fils ! Votre fils, Mme Philibert ! Vraiment… je ne comprends pas du tout…

— Écoutez-moi bien, Lucie ; je vais tout vous dire.

Et Mme Philibert fit à la fiancée de son fils le récit qu’elle avait fait certain soir, à Hugues et au Docteur Philibert, dans son boudoir, aux Peupliers.

Lucie n’en revenait pas ! Armand de Châteauvert le fils de Mme Philibert !

— Alors, Mme Philibert, dit-elle, ce n’est certainement pas Armand que vous n’aimez pas… C’est donc moi ?

— Ne pas vous aimer, Lucie !… Si j’eusse pu choisir une femme pour mon fils, j’aurais choisi Lucie de St-Éloi. Non pas à cause de sa fortune, mais à cause de ses réelles qualités.

Le Docteur Philibert et Armand entrèrent au salon.

— Hugues est allé aux Peupliers, dit le médecin, et Nestor est allé faire ses préparatifs de départ ; dans moins d’une heure, nous partirons.

— Que Dieu vous guide vers celle que vous allez chercher ! s’exclama Mme Philibert.

Armand s’était approché de Lucie.

— La soirée est admirable, lui dit-il. Venez-vous faire une petite promenade dehors ?

— J’irai bien, répondit la jeune fille.

Ils se dirigèrent tous deux vers la rivière, en parlant de Roxane.

— Où est-elle, en ce moment cette pauvre Roxane ? soupira Lucie. Ô M. de Châteauvert, si elle…

— Lucie, fit le jeune homme, je me nomme Armand… Aurais-je eu le malheur de vous offenser, que vous me nommez cérémonieusement M. de Châteauvert, ma bien-aimée ?

— Certes, non, Armand ! répondit Lucie. Pendant combien de jours pensez-vous être absents ?

— Cinq jours, six jours au plus, d’après le calcul du policier Nestor. Hugues est très impatient de partir.

— Et aussitôt votre retour, ce sera à moi de partir, dit Lucie.

— Partir ! Partir ! Lucie ! Ô ma chérie !

— On requiert ma présence au château de St-Éloi…

— Mais vous reviendrez ? demanda Armand.

— Je ne sais… Si je reviens, ce ne sera pas avant le printemps prochain, dans tous les cas.

— Lucie ! Lucie ! s’écria le jeune homme. Comment puis-je vous laisser partir ?… Ô ma toute chérie !

— Armand, dit Lucie, d’une voix tremblante et en rougissant beaucoup, pourquoi me laissez-vous partir… seule ?

— Lucie ! cria Armand. Vous vous moquez sûrement de moi ! Vous savez bien que si j’étais en position de vous demander en mariage, je le ferais, même au risque d’essuyer un refus… Hélas ! je suis pauvre, très pauvre, tandis que vous, vous êtes Mlle de St-Éloi, la riche héritière… Vous retournez au château de votre ancêtre…

— Précisément ! Je retourne au château de St-Éloi qui, depuis bien des années n’a pas de châtelain, et qui aurait bien besoin d’une main de maître, Armand…

— Non ! Non ! Lucie, c’est impossible !… Pourtant, Dieu sait si je vous aime !… Je ne puis honorablement vous demander de m’épouser à cause de mon extrême indigence… Si j’osais…

— Osez ! répondit la jeune fille, entourant de ses bras le cou d’Armand. Armand, ne me laissez pas partir seule pour le château de St-Éloi ! !

— Mon ange ! Ô mon ange ! murmura le jeune homme, étreignant Lucie contre son cœur. Vous désirez vraiment que…

— Armand, fit-elle, en éclatant d’un joyeux rire soudain, est-ce la première fois qu’on