Page:Lacerte - Roxanne, 1924.djvu/88

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ne suis pas venu ici pour rien ! Je veux voir cette femme ! Il monta l’escalier en étouffant ses pas. Après avoir conté seize marches il se trouva en face d’une autre porte. Un moment il prêta l’oreille. Pas un bruit à l’intérieur. Il examina le trou de la serrure. Pas un filet de lumière. Alors il se décida de frapper. Il frappa trois petits coups légèrement espacés. Il attendit, le coeur battant la charge. Bientôt il crut percevoir un pas menu à l’intérieur. Un mince rayon de lumière filtra par le trou de la serrure. Le pas se rapprocha de la porte. Puis une voix douce, divinement timbrée, une voix qùi fit tressaillir le reporter jusqu’aux fibres les plus reculées de son être, demanda : —’Qui est là ?! x IJ sembla à Alban Ruel qu’il avait entendu déjà cette voix et que cette voix était celle de la FEMME D’OR. Il se sentit défaillir... Mais, par un effort de volonté, il retrouva immédiatement son audace. —Madame, répondit-i] d’une voix peu assurée cependant, je suis chargé d’une communication très pressée. . . . —Pour moi ? —Oui, madame. Il saisit une légère exclamation de surprise et entendit aussitôt une clef tourner dans la serrure. La minute d’après la porte s’ouvrit. Le reporter demeura bouché bée devant la jolie petite brunette qui lui souriait. —Donnez-vous donc la peine d’entrée, bionsieur ! Alban Ruel ne bougea pas. . . Scs regards ahuris se promenaient dans l’intérieur de l’appartement sur un tas d’objets très singuliers pour lui : il apercevait tout le matériel et tous les accessoires d’un atelier de modiste ! — /.Allons ! il s’etait trompé de porte, voilà tout ! Confus, gêné, très troublé même devant cette jolie brunette qui ne cessait de lui sourire, le reporter bredouilla quelques excuses, s’inclina assez gauchement, et descendit l’escalier. Il était tellement troublé, ses sens étaient si à l’envers qu’il manqua une marche vers le milieu et dégringola le Teste de l’escalier. Un petit rire moqueur retentit. Mais Alban ne l’entendit pas. . . . déjà il était dehors, et hors de raison et de raisonnement. Mais de suite la fraîcheur de la nuit le rappela à lui-même. Il s’avoua qu’il s’était trompé de porte, que la mystérieuse inconnue avait disparu par une autre porte que celle-ci. Il se mit à explorer le voisinage. Mais rien ne put lui confirmer qu’il s’était trompé. —C’est pourtant la bonne porte ! murmura-t-il. Distrait, l’esprit très préocupé de cette méprise, le reporter refit son chemin vers le Théâtre-F rançais. Là, il reconnut que le théâtre était fermé. •) —Diable ! murmurat-il, quelle heure est-il donc ? On ne voyait plus .que quelques rares passants sur la rue Sainte-Catherine. Le reporter consulta sa montre et constata que la douzième heure de nuit était passée. —Allons chez Gravel ! se dit-il. J’y trouverai sûrement Lavoie. Il n’avait qu’un pas à faire . L’instant d’a-l près il était en train de vider un verre aveci l’architecte auquel il racontait sa méprise et ! sa déconvenue. TROISIEME APPARITION III —Je commence à croire, dit L’architecte, que notre ami Audet avait raison de dire que cette femme est insaisissable. Mais qui donc peut-elle être ? A coup sûr, nous ne lui sommes pas inconnus ! —Voilà le point qui m’intrigue surtout. Je suis certain qu’elle nous a regardée... qu’-elle m’a souri, fit le reporter avec une physionomie perplexe. y-Éela pourrait s’expliquer ainsi : elle con-i naît Audet et nous sait ses amis. —Mais pour quel motif se conduit-elle d’une façon si bizarre avec nous ? Si elle déj sire établir des rapports avec nous, pourquoi] fuit-elle dès qu’on l’approche ? —Elle redoute peut-être les regards ou l’indiscrétion des curieux, et elle tente de t’entraîner chez elle en indiquant Je chemin à suivre. Es-tu sûr d’avoir ouvert la bonne porte au moins ? —Oui.... je le jurerais sur mon âme. Il n’y avait pas une autre porte là donnant de plain-ipied sur le trottoir. A gauche, c’é-j tait l’épicerie ; je suis certain qu’elle n’est pas entrée là. A droite, il y a une étroite ruelle, puis une maison de rapport. Mais cette maison est écartée du trottoir, et pour arriver à la porte d’entrée, U faut monter sur un perron de cinq ou six marches. Je suis encore certain qu’elle n’est pas entrée dans cette maison de rapport. ■—Alors, toi, tu es entré chez la PETITE I MODISTE ? se mit à rire l’architecte. —Oui. Et tu vois d’ici la figure que j’ai 1 faite. —Et elle donc ? —Je ne l’ai pas beaucoup regardée. Mais I je sai» que c’est une jolie petite brunette et,J ma foi, j’aimerais assez la connaître un peu plus et lui dire un mot d’amour ou deux. —-Reste à savoir si elle s’intéresserait à tesS discours amoureux. —Bah ! pas une fille ou femme ne ferme l’oreille aux roucoulements, du moment que celui qui roucoule sait s’y prendre ! —‘Cela est possible auprès d’un bon nombre du sexe. Mais il paraît que LA PETITE MODISTE DE LA RUE DEMONTIGNY n’est pas de cette catégorie. —Quoi ! est-ce que tu la connais ? —Un peu...par ce que m’en a dit ma soeur. ’C’est la couturière de ma soeur. —Vraiment ? Pourquoi l’appelles-tu LA PETITE MODISTE de la rue DEMONTI-GNY ?

N’a-t-elile pas un autre nom ?