Page:Lachatre-Histoire des Papes. Vol 2.djvu/13

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pontife. À son tour, le prince avait puni le métropolitain en lui enlevant la primatie de la Grande-Bretagne et en le dépouillant des immenses bénéfices dont il s’était emparé.

Anselme s’était rendu à Rome pour obtenir par ses intrigues une bulle qui contraignît le roi, sous peine d’excommunication, à le réintégrer dans tous ses honneurs, et à le rétablir dans la jouissance des revenus du siége de Cantorbéry, et des églises ou des monastères dépendants de cet archevêché, dont il avait investi d’autres évêques par ordonnances royales. Pascal, fidèle à sa politique, approuva la conduite du prélat, et dans un concile tenu à Rome, il prononça l’anathème contre tous les laïques qui donneraient les investitures ecclésiastiques, ou qui recevraient des présents pour les confirmer.

Malgré la déclaration du saint-père, Guillaume fut inébranlable dans sa détermination, et Anselme ne put retourner en Angleterre qu’après la mort de ce prince. Son successeur, Henri Ier**, ayant également refusé de se soumettre aux décisions de la cour de Rome, le métropolitain se déclara hautement contre les rois normands ; il menaça Henri de l’anathématiser en vertu des canons du dernier concile de Rome ; il réclama au nom du pape le denier de Saint-Pierre, et souleva contre le trône la plus grande partie du clergé anglais.

Pascal, instruit par l’archevêque des progrès que faisait l’insurrection, lui écrivit pour le féliciter de sa vigueur apostolique, ajoutant : « Robert, duc de Normandie, nous a porté ses plaintes contre le roi de la Grande-Bretagne, son frère, qui s’est emparé de la couronne à son détriment, en donnant aux peuples une constitution qu’il appelle charte des libertés. Vous n’ignorez pas que nous devons aide et protection à Robert, qui a travaillé à la délivrance de l’Asie : c’est pourquoi nous vous engageons à soutenir les justes droits de ce prince contre Henri…. » Le roi apprit en effet que le duc de Normandie voulait tenter une descente en Angleterre, espérant être secondé dans son projet par les nobles et par les prêtres.

Alors le rusé Henri fit appeler à la cour le métropolitain Anselme, et par de brillantes promesses il le détermina à se rattacher à son parti. L’archevêque, gagné par les présents du monarque, travailla dans ses intérêts, raffermit dans le devoir les ecclésiastiques dont la fidélité était chancelante, et fit rentrer dans l’armée de Henri les nobles qu’il en avait détachés : aussi lorsque Robert débarqua en Angleterre, les esprits qui naguère étaient disposés en sa faveur se montrèrent opposés à ses prétentions, et il fut obligé d’accepter une rente de trois mille marcs d’argent, que son frère s’engagea à lui payer chaque année pour sa renonciation à la couronne.

Telle fut la fin de cette guerre, qui menaçait la Grande-Bretagne d’une nouvelle révolution : dès que le calme fut rétabli, Anselme vint réclamer de Henri le prix de son dévouement et des services qu’il lui avait rendus ; mais le monarque, qui n’avait plus besoin de l’archevêque, lui répondit durement qu’il n’avait qu’à se retirer au plus tôt dans son diocèse, s’il voulait éviter le châtiment qu’avaient mérité sa trahison et sa félonie. En même temps il le souffleta devant toute la cour, et lui jeta au visage une lettre qu’il venait de recevoir de Rome. La missive qui avait excité si fort l’indignation de Henri était conçue en ces termes : « Anselme nous a instruit que vous vous arrogiez le droit d’établir les évêques et les abbés par l’investiture, et que vous attribuiez à la puissance royale une autorité qui n’appartient qu’à Dieu seul ; car le Christ a dit : « Je suis la porte. » Donc un roi ne saurait être la porte de l’Église ; et les ecclésiastiques qui entrent dans le sacerdoce par la volonté des souverains ne sont point des pasteurs, mais des larrons insignes.


« Vos prétentions sont indignes d’un chrétien, et le saint-siége ne saurait les approuver. Ne savez-vous donc pas que saint Ambroise aurait souffert le dernier supplice plutôt que de permettre à Théodose de disposer des dignités et des biens de l’Église ; et ignorez-vous qu’il fit cette réponse à l’empereur : « Ne croyez pas, César, que vous ayez quelques droits sur les choses divines ; les palais appartiennent aux princes et les églises au pape.... » L’archevêque de Cantorbéry, furieux de l’affront sanglant qu’il avait reçu, quitta la cour et retourna à son siége pour soulever de nouveaux ennemis contre le roi.

De son côté, Henri poursuivit le métropolitain et ses partisans avec la plus grande rigueur, et menaça de refuser l’obédience au pape et d’empêcher le prélèvement du denier de Saint-Pierre dans ses États, si on ne reconnaissait pas à la couronne le droit des investitures ecclésiastiques. Dans cette extrémité, Anselme convoqua un concile provincial où assistèrent les commissaires du roi, et dans lequel il fut décidé qu’on enverrait à Rome des députés pour s’entendre avec le pape et pour terminer enfin ces querelles déplorables. Les ambassadeurs étant arrivés dans la ville sainte, furent admis en présence de Pascal pour lui expliquer le sujet de leur voyage et les intentions du roi.

D’abord le pape ne trouva aucune parole pour leur répondre, tant sa colère était violente ; ensuite il se leva de son siége, le renversa à terre avec force, et s’écria avec d’affreux blasphèmes : « Non, quand il s’agirait de ma tête, les menaces d’un roi ne me forceront pas à céder une seule des prérogatives du trône apostolique ! Retournez vers votre maître, et dites-lui qu’il redoute d’affronter la sainte colère du vicaire de Dieu ! » Ensuite il fit écrire à l’archevêque de Cantorbéry, pour l’engager à résister plus vigoureusement encore que par le passé aux prétentions du monarque.

Henri, irrité de l’insolence du pape, réunit aussitôt à Londres les seigneurs de son royaume, et fit comparaître devant eux l’archevêque Anselme, la cause de ces dissensions, afin qu’il entendît la sentence royale qui l’exilait de la Grande-Bretagne. Le métropolitain n’éleva aucune plainte, et s’embarqua le même jour pour l’Italie.

Cette soumission apparente de l’orgueilleux prélat fit craindre au monarque une nouvelle trahison ; et pour déjouer les machinations d’Anselme auprès de la cour de Rome, il envoya immédiatement en Italie, et par terre, Guillaume de Varevast, muni de pleins pouvoirs, pour terminer tous les différends qui existaient entre la couronne et le saint-siége. L’ambas- sadeur fit une telle diligence, qu’il arriva dans la


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