Page:Lachatre-Histoire des Papes. Vol 2.djvu/24

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sauverai mes enfants, ajoutait-il ; mais je prends Dieu à témoin que je fais pour eux et pour la paix de l’Église une action que j’aurais voulu éviter au prix de mon sang. »

On dressa le traité qui accordait les investitures à l’empereur ; et dans l’acte le pontife s’engagea solennellement à ne prononcer jamais d’anathème contre le roi, et à ne jamais l’inquiéter pour les violences que ses soldats avaient exercées dans les États de l’Église. Il était spécifié en outre, « Que les droits du trône seraient confirmés par un privilège contenu dans une bulle en bonne forme, et portant défense aux clercs et aux laïques de s’opposer à leur exercice, sous peine d’excommunication ; de plus, que l’empereur investirait, comme par le passé, en donnant la crosse et l’anneau aux évêques et aux abbés qui auraient été élus canoniquement, sans simonie et de son consentement ; que les métropolitains et même les évêques pourraient librement ordonner les prélats que le roi ou ses successeurs auraient investis de la sorte ; mais que le prétendant ne pourrait être consacré qu’après l’autorisation de son souverain. » Enfin, il fut arrêté que le pape couronnerait sans retard Henri, et qu’il l’aiderait de bonne foi à conserver ses États et l’empire.

De son côté, le prince s’engagea à mettre le saint-père en liberté, ainsi que tous les évêques, les cardinaux, les seigneurs et les otages qui avaient été arrêtés avec lui ; il promit de garder la paix avec le peuple romain, de restituer immédiatement les patrimoines et les domaines de l’Église, et de jurer obéissance au pape Pascal, sauf les droits et l’honneur du royaume et de l’empire, comme les empereurs catholiques avaient fait envers les chefs du saint-siége. Ces conditions furent signées par le pape et par le prince, et confirmées solennellement sur l’évangile et sur le Christ.

Cependant Henri, qui se défiait avec raison de la sincérité du pontife, ne voulut pas le délivrer avant la promulgation de la bulle qui devait lui assurer le droit des investitures. En vain le pontife protesta du sa bonne foi, et affirma que le sceau du saint-siége étant resté au palais de Latran, il ne pouvait sceller le diplôme que l’empereur réclamait, car au même instant un secrétaire vint lui présenter le sceau qu’on avait découvert dans sa chambre ; on dressa la bulle, et le pape fut obligé de la souscrire. Le visage de Pascal était blême de colère de voir sa fourberie démasquée ; il signa, néanmoins, et voici la teneur de cet acte : « Nous vous accordons et confirmons la prérogative que nos prédécesseurs ont accordée aux vôtres, savoir : que vous donniez l’investiture de la crosse et l’anneau aux évêques et aux abbés de votre royaume, élus librement et sans simonie, et que nul ne puisse être consacré s’il n’a reçu l’investiture par votre autorité ; et cela parce que vos ancêtres ont donné de si grands biens de leur couronne aux Églises, que les prélats doivent contribuer les premiers à la défense de l’État. Les clercs ou laïques qui oseront contrevenir à la présente concession seront anathématisés et perdront toutes leurs dignités. »

Ensuite l’empereur et le pape firent leur entrée dans Rome ; ils se rendirent à Saint-Pierre en se tenant par la main, au milieu d’une triple rangée de soldats allemands, qui garnissaient toutes les avenues, afin d’empêcher une tentative de sédition. Pascal couronna Henri, et célébra solennellement l’office divin ; après la consécration, il prit l’hostie, la rompit en deux parties, et se tournant vers l’empereur, il lui dit : « Prince, voici le corps du Christ, je vous le donne en consécration de la paix que nous avons faite et de la concorde qui doit régner entre nous. Mais, ainsi que cette partie de l’Eucharistie a été divisée de l’autre, que celui qui cherchera à rompre l’union soit séparé à jamais du royaume de Dieu. » La messe étant finie, le pontife sortit de la basilique avec ses cardinaux, et se rendit au palais de Latran.

Dès le lendemain Henri leva son camp et reprit la route d’Allemagne, plein de confiance dans les serments solennels du pape ; mais il apprit bientôt combien les prêtres sont fourbes, et comment ils se jouent des choses les plus saintes et des cérémonies les plus augustes de la religion. Les cardinaux qui étaient à Rome pendant la captivité de Pascal condamnèrent ouvertement la cession des investitures qui avait été faite à Henri, et refusèrent de la ratifier, la déclarant contraire aux lois de l’Église. Fra Paolo rapporte que les prélats étaient excités à cette résistance par le pontife lui-même, qui se rendit à Terracine pour qu’ils pussent condamner ses actes. En effet, pendant l’absence du pape, ils se réunirent sous la présidence de Jean, évêque de Tusculum, et lancèrent un décret contre le saint-père et contre sa bulle.

Pascal leur adressa aussitôt une lettre qu’il rendit publique, et dans laquelle il promettait d’annuler ce qu’il n’avait fait que pour éviter la ruine de Rome et de toute la province. « J’ai failli, mes Pères, écrivait l’hypocrite Pascal, mais je suis prêt à subir la pénitence de ma faute et à réparer le mal que j’ai pu faire. »

Brunon, évêque de Segni, qui présidait le concile, répondit à sa lettre au nom des prélats : « Mes ennemis publient, très-saint Père, que je ne vous porte aucune affection et que mes paroles vous accusent ; ils me calomnient, car je vous aime comme mon père et comme mon seigneur ; mais je dois aimer plus encore Celui qui a été immolé sur la croix pour nous racheter de la mort et de l’enfer. En son nom, je vous ai déclaré que nous n’approuvions point la bulle accordée par votre Sainteté à l’empereur, parce qu’elle est contraire à la religion. Aussi votre aveu nous a t-il rempli de joie, lorsque nous avons reconnu que vous la condamniez également. En effet, quel serait le prêtre capable d’approuver un décret qui détruirait la liberté de l’Eglise, qui fermerait au clergé la seule porte par laquelle on puisse entrer légitimement dans le sacerdoce, et qui ouvrirait plusieurs issues secrètes aux voleurs ? Les apôtres condamnent ceux qui obtiennent un siége ou un titre par la puissance séculière, parce que les laïques, quelque grandes que soient leur piété et leur puissance, n’ont aucune autorité pour disposer des Églises ; les constitutions que vous avez faites vous-même précédemment condamnaient les clercs qui recevaient l’institution de la main qui a porté le glaive ; ces décrets sont lancés, et tout homme qui