Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/42

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disons-nous, tantôt d’un sommeil profond, pendant lequel la nature élabore en silence ; tantôt de ce sommeil léger, qui se laisse sentir, doux repos que ne connoit pas le coupable et dont l’ambitieux se prive, qui délasse le voluptueux, lorsque ses excès ne l’en ont pas privé, que l’homme innocent et juste goûte quelquefois, malgré nos institutions, et qui, pour l’homme naturel, est un plaisir également sain et assuré. Cependant, guidé par ces besoins, notre élève s’instruit peu à peu ; bientôt il sçait franchir un buisson, se frayer une route dans un bois fourré, sauter un fossé, gravir une montagne escarpée, escalader un arbre. Chaque jour il reçoit de la nature une leçon nouvelle ; chaque proïe qu’il poursuit lui est un sujet d’étude, chacun de ses repas est le prix de son adresse ou de ses réflexions.

Ainsi se passe ce long intervalle que la nature (si l’on peut parler ainsi) emploïe à préparer l’espèce humaine, temps où chaque individu, n’étant encore qu’ébauché, n’a encore aucun caractère distinct, où les différences sexuelles sont encore nulles, ou du moins sans influences[1] où chacun, suivant l’expression d’Evagrius, est homme avec les hommes, et femme avec les femmes. Mais enfin la nature se sépare, et se ramifie en quelque sorte ; elle perfectionne son ouvrage et divise les sexes. Nous la suivrons dans sa marche ; jusqu’icy nous avons

  1. Analise raisonnée de Baile, t. IV.
    Note de Ch. de L.