Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/58

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l’avons vûe, soumise aux seulles infirmités qui en sont inséparables, éviter pareillement les douleurs du corps et les peines de l’esprit ; nous avons vû, enfin, une mort paisible terminer une vie heureuse. Quelle femme maintenant osera se présenter et disputer de bonheur avec elle ? Sera ce, cette reine puissante, fière de dominer sur de vastes états, où cherchera t’elle sa félicité ? Sans doute dans celle de ses sujets : elle courra donc se rendre redoutable aux ennemis du dehors et étouffer les troubles intérieurs ; à la fois économe et libéralle elle n’accordera rien à l’intriguante avidité des courtisans et sera toujours assez riche pour récompenser les services rendus ; ses guerres, justes et heureuses, seront suivies de la victoire et les impots multipliés ne dévoreront pas la substance du pauvre ; le foible ne l’implorera pas sans succès contre l’oppression du puissant ; sa justice vigilante sauvera le simple des embûches, de la mauvaise foi ; chérie des bons, son nom sera la terreur des méchants, ils fuiront loin d’elle, ils iront chercher les lieux si peu rares où ils prospéreront si facilement ; alors sans doute elle sera bénie ; mais quelle n’espère pas un moment de repos ; ne faut-il pas qu’elle veille pour tous ? Veut-elle donner un moment à ses plaisirs ? Qu’elle attende celui qu’aucun de ses sujets ne réclamera, ou plutôt que sa vie soit une action continuelle et qu’elle meure debout, victime dévouée au bonheur de son peuple. Découragée à la vüe d’une carrière si pénible, préférera t’elle d’être foible et voluptueuse, oubliera t’elle son peuple, pour ne s’ocuper que de ses plaisirs ; ils vont se rassembler autour d’elle ; son ima-