Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/70

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nous opposerons à M. de Buffon, M. de Buffon lui-même. Écoutons-le parler dans son histoire des animaux sauvages[1] : « La nature leur a donné à tous la liberté avec des mœurs constantes, à tous des désirs et de l’amour, toujours aisé à satisfaire… Amour et liberté, quels bienfaits ! Ces animaux que nous appelons sauvages parce qu’ils ne nous sont pas soumis, ont-ils besoin de plus pour être heureux ? Ils ont encore l’égalité, ils ne sont ny les esclaves, ny les tirans de leurs semblables. »

Quelle force, quelle énergie dans ce tableau ! Mais pourquoi les animaux humains seroient-ils seuls privés de ces avantages ? M. de Buffon nous donne-t-il quelque raison de cette exclusion malheureuse ?

Il nous paroît que les raisonnements de ce philosophe ne suffisent pas, pour détruire le sistème que nous avons suivi. Voions si M. de Voltaire, qui combat ce même sistème, avec tant de mépris et d’humeur, donne des raisons plus convaincantes.

M. de Voltaire commence par dire[2] qu’on n’a jamais vu de pays où l’état de pure nature subsistât.

Nous avons déjà observé que ce point de fait ne suffisoit pas pour décider la question.

« Quelques mauvais plaisants (poursuit-il) ont abusé de leur esprit jusqu’au point de bazarder le paradoxe étonnant, que l’homme est originairement fait pour

  1. t. II, Histoire naturelle, édition in-12.
  2. V. Question sur l’encyclopédie, art. homme, — pages 100 et suivantes.
    Notes de Ch. de L.