l’air de douceur et de tendresse, comme flatant davantage l’esprit de domination qui les anime. Là le caractère de beauté que nous appelons phisionomie doit être et est en effet l’expression de la soumission. Chez les anciens romains, au contraire, l’enthousiasme de la liberté, de la grandeur d’âme, de la vertu sévère présente la beauté sous une forme plus noble et plus austère. Ce païs, dont les arts nous ont transmis des monuments de tous les siècles, nous fournit une preuve des variations perpétuelles auxquelles fut soumise l’idée de la beauté ; la dépravation des mœurs y est restée peinte sur les visages ; pour s’en convaincre, il ne faut qu’examiner la différence du caractère de beauté chez les femmes du temps de Brutus ou chez celle du temps d’Auguste ; c’est ainsi que nous voïons, de nos jours, les Suisses, les Anglais, plus austères dans leurs mœurs, joindre toujours à l’idée de la beauté celle de la douceur et de la modestie, tandis qu’en France nous recherchons plus volontiers l’expression de la vivacité et du plaisir. Telles sont les nuances généralles qui, sous le nom de phisionomie, font varier la beauté suivant les temps ou les lieux ; elles sont telles, et tellement marquées, qu’un observateur attentif pourroit juger, par elles, des mœurs d’une nation, avec plus d’exactitude peut-être que dans la plupart des historiens. Non seulement l’idée de la beauté varie de peuple à peuple, mais elle change encore d’homme à homme ; l’un, plus sensible au nombre qu’au choix de ses conquêtes, est séduit par l’expression de la facilité ; l’autre, au contraire, est excité à la vue des
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