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a ici que le Curé du lieu, mon éternelle tante m’a beaucoup pressé de lui sacrifier quelques jours. Vous devinez que j’ai consenti. Vous n’imaginez pas combien elle me cajolle depuis ce moment, combien sur-tout elle est édifiée de me voir régulièrement à ses prières & à sa Messe. Elle ne se doute pas de la Divinité que j’y adore.

Me voilà donc, depuis quatre jours, livré à une passion forte. Vous savez si je désire vivement, si je dévore les obstacles : mais ce que vous ignorez, c’est combien la solitude ajoute à l’ardeur du desir. Je n’ai plus qu’une idée ; j’y pense le jour, & j’y rêve la nuit. J’ai bien besoin d’avoir cette femme, pour me sauver du ridicule d’en être amoureux : car où ne mène pas un désir contrarié ! O délicieuse jouissance ! Je t’implore pour mon bonheur & sur-tout pour mon repos. Que nous sommes heureux que les femmes se défendent si mal ! nous ne serions auprès d’elles que de timides


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