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46 les Liaisons

ment : « Oh ! non, mais...... » Ce seul mot m’a éclairé. Dès ce moment, le doux espoir a remplacé la cruelle inquiétude. J’aurai cette femme ; je l’enlèverai au mari qui la profane ; j’oserai la ravir au Dieu même qu’elle adore. Quel délice d’être tour à tour l’objet & le vainqueur de ses remords ! Loin de moi l’idée de détruire les préjugés qui l’assiègent ! ils ajouteront à mon bonheur & à ma gloire. Qu’elle croie à la vertu, mais qu’elle me la sacrifie. Que ses fautes l’épouvantent sans pouvoir l’arrêter, &, qu’agitée de mille terreurs, elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras. Qu’alors, j’y consens, elle me dise : « Je t’adore » ; elle seule, entre toutes les femmes, sera digne de prononcer ce mot. Je serai vraiment le Dieu qu’elle aura préféré.

Soyons de bonne foi ; dans nos arrangemens, aussi froids que faciles, ce que nous appellons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai-je ? je croyois