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LA TERRE PATERNELLE

traste insultant pour la misère de Chauvin, s’était laissé mourir d’un excès d’embonpoint. Parmi toutes les bonnes qualités qui brillaient en notre bedeau, aucune n’égalait la sensibilité de son cœur. C’était surtout lorsque quelques parents affligés venaient, les larmes aux yeux, lui annoncer la mort de quelqu’un des leurs, que cette qualité se montrait dans tout son éclat. Alors on le voyait présenter à son interlocuteur une moitié du visage où se peignait la tristesse la plus profonde, tandis qu’un spectateur placé du côté opposé eût pu voir l’autre joue épanouie, et son œil pétiller de joie en pensant aux nombreux items du tarif. L’amour du prochain était pratiqué à un haut degré par notre bedeau. Quelques malins disaient pourtant qu’il l’aimait peut-être un peu plus après sa mort que pendant sa vie, par la raison que, lorsque le défunt, après avoir dit un éternel adieu aux choses d’ici-bas, avait déjà réglé ses comptes dans l’autre monde, il lui restait encore à régler en dernier ressort avec notre bedeau. Hâtons-nous cependant d’ajouter, en toute justice, que, s’il lui arrivait rarement de rabattre sur le tarif, il ne lui arrivait jamais non plus de le surcharger.