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— IX —

à l’attente des catholiques clairvoyants, M. de Lamennais, en 1830, n’en restait pas moins, aux yeux d’un grand nombre, le plus puissant écrivain de l’Église dé France. A côté du chef, se levaient les collaborateurs, et le premier, entre les plus brillants, l’abbé Lacordaire. Il apportait à l’œuvre commune, avec cet amour ardent de Dieu et de l’Église que nous lui avons déjà vu, un désintéressement admirable, un dévouement sans bornes à la société dont il était membre, une puissance de réflexion remarquable, une noblesse de pensées en quelque sorte innée, une imagination étincelante, un style d’une verve qui ne s’épuisait jamais. Mais sa jeunesse manquait de cette maturité, de ce discernement et de cette vue d’ensemble que donne seule à moins d’une grâce spéciale l’expérience des hommes et des choses. Ce défaut, que le jeune prêtre tenait de son âge et de son temps, devait être pour lui la cause de bien des méprises et des déceptions dans la route nouvelle où il s’engageait avec tant d’ardeur. Au reste, la tempête déchaînée en ces jours de trouble était si violente, les abîmes que l’on côtoyait étaient si nombreux et si profonds, qu’ils pouvaient donner le vertige aux plus fermes génies. Les flots révolutionnaires qui avaient si rapi-