Page:Lacretelle Silbermann.djvu/152

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longtemps, se sont mis à table et achèvent de dîner. Est-ce réellement moi pour qui la règle du foyer fut toujours un évangile, qui rentre de la sorte, le visage hagard et sans un mot d’excuse ? Est-ce moi, si épris des traits sereins de ma mère, qui les laisse ainsi désolés par l’anxiété et la peine ? Est-ce moi, si respectueux envers mon père et si soumis, qui repousse sa demande d’explications avec un tel accent que mon père, décontenancé, bat en retraite ?

Oui, ces scènes furent réelles ; mais elles avaient comme la teinte d’un rêve ou plutôt il me semblait qu’elles s’enchaînaient hors de ma volonté. Et tout se présentait, ce soir-là, sous une apparence si nébuleuse que, regardant droit devant un miroir et apercevant un visage farouche et des yeux enfiévrés, je crus me trouver dans ma chambre d’Aiguesbelles, en face du portrait de mon oncle, l’étrange missionnaire en révolte contre sa famille.