Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/125

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pour le plus beau de l’Europe, à cause de sa longueur et de son architecture, justifiait encore son nom de Pont-Neuf, puisque, fondé sous le règne de Henri III, il n’avait été complètement achevé que sous le règne de Henri IV ; il réunissait, par ses douze arches, à la ville haute et basse, l’île de la Cité, agrandie de deux petits îlots. Jacques Androuet Ducerceau et Guillaume Marchand, qui l’avaient construit avec magnificence, s’étaient pour la première fois abstenus de le surcharger de maisons, comme le voulait l’ancien usage, et les curieux, étonnés de cette nouveauté, ne se lassaient pas d’admirer un pont, qui n’avait pas l’aspect d’une rue et qui laissait à découvert le cours de la rivière en amont et en aval. La foule le traversait sans cesse, en s’arrêtant, çà et là, le long du parapet, d’où la vue embrassait à la fois la Cité, l’Université et la ville, ces trois parties distinctes de la capitale, hérissées de tours et de clochers : c’était merveille qu’un pont de pierre, du haut duquel les passants voyaient couler l’eau et les bateaux descendre ou remonter la rivière.

L’affluence de monde qui encombrait à toute heure non seulement les bas côtés de ce pont, réservés aux piétons, mais encore la large voie du milieu destinée exclusivement au passage des voitures, était appelée là par divers objets et diverses fantaisies : les uns y venaient écouter le carillon des heures, à la Samaritaine, joli édifice bâti sur pilotis contre la seconde arche, du côté du Louvre, et servant à la fois d’horloge, de pompe et de fontaine ; les autres y venaient, pour respirer un air plus pur que celui des rues, et visiter la place Dauphine, qui