Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/137

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s’intéressait à la recherche du voleur dont on avait perdu la trace, si bien que tous les jeux et divertissements demeurèrent suspendus en un instant.

— Holà ! petit page, cria le chanteur aveugle à son accompagnateur qui cessait de pincer du luth ; qu’est-ce donc ? Que se passe-t-il ? Mène-t-on pendre quelque pauvre diable ? Ou bien a-t-on enfin changé les sots ministres de Sa Majesté, récompensé le maréchal d’un beau logis à la Bastille, et fouetté par les rues madame son épouse, Léonora Galigaï ? Quel événement est-ce là ?

— Moins que rien, monseigneur, répondit respectueusement le page de musique. J’ai pensé d’abord que les gens du roi venaient vous prendre pour vos chansons politiques ; mais ce n’est qu’un petit larron, qui a fait camus le marchand de cotignac, et qui s’est évadé parmi la presse. Pendant qu’on le cherche, vous plaît-il de déjeuner ?

— Oui, ma fi ! la faim chante dans mes boyaux. Quant au voleur, je lui souhaite heureuse chance, surtout s’il veut enlever à tous les diables le singe et les marionnettes de maestro Fagottini.

À ces mots empreints d’un aigre ressentiment, il étendit son poing fermé du côté des tréteaux de Fagottini, où le singe battait le tambour sans se soucier du bruit confus qui régnait sur le Pont-Neuf ; il entra dans son tabernacle, au moyen d’une échelle, et se déroba lentement aux regards de ses auditeurs, pendant que son page de musique était allé acheter, pour leur déjeuner, des saucisses chez le charcutier et du vin clairet chez le tavernier. Tout à coup le Savoyard, qui s’était assis devant