Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/173

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encrier pendu à sa ceinture, s’était mis en devoir de verbaliser, sur son genou, en guise de pupitre, et repoussait doucement son enfant prodigue qui l’assaillait de caresses. Le Savoyard et Fagottini, effrayés des menaces d’un personnage en robe, avaient brusquement tourné le dos, pour se soustraire au procès-verbal ; mais ils n’eurent pas plutôt regagné leurs tréteaux respectifs, que le peuple, indigné de cette aventure, voulut se venger de ces voleurs d’enfant, envahit leurs théâtres et y mit le feu, après les avoir cherchés eux-mêmes pour les brûler aussi. Le charlatan et le chansonnier, qui avaient eu le bonheur de s’enfuir, n’assoupirent qu’à force d’argent une affaire qui pouvait les envoyer, comme des forçats, ramer sur les galères du roi.


L’expérience du malheur n’avait guère corrigé le jeune d’Assoucy, et sa conduite ne devint pas plus régulière, à mesure qu’il avançait en âge : il était trop paresseux pour se plaire à la profession de son père, et il préféra une existence aventurière à une vie tranquille et honorable. À l’exemple de son premier maître le Savoyard, il se fit poète et musicien, composant des airs de musique et des vers bouffons, parodiant les poèmes latins d’Ovide et de Stace, qu’il traduisit ou travestit en poèmes facétieux, jouant du luth dans les maisons des grands seigneurs et même à la cour de Louis XIII, voyageant avec son bagage poétique et musical, écrivant son histoire vagabonde, mal famé pour les désordres de ses mœurs, toujours gai et plaisant, toujours ivre et gueux, toujours en guerre avec Boileau, qui l’a immortalisé dans ses satires, comme le rival du poète Scarron et