Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/183

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qui éclatait dans tous ses propos. Que fais-tu là, ainsi acoquiné dans la cendre froide, comme si tu préparais une lessive ? Es-tu jaloux des cloches de l’église Saint-Paul, qui ont la voix plus sonnante et plus argentine que la tienne ? Ne songerais-tu pas que ces belles cloches, offertes en don à la paroisse par plusieurs rois de France, feraient bien mieux ton affaire, s’il t’était permis de les faire fondre en monnaie ?


— Du premier coup, mon fils, tu devines mon mal, qui n’est autre que ventre et bourse vides ! reprit Armand, en clignant de l’œil, pour inviter Scarron à remédier à ce mal dont il se plaignait souvent. Mes coquins de fermiers tardent tant à m’apporter leurs redevances, et les joueurs de lansquenet, qui me doivent sur parole, ont si rétive mémoire, que je n’ai pas une pièce blanche pour entrer au cabaret, et ce soir, je me coucherai à jeun, comme un carme déchaussé. Bien plus, ce qui m’afflige davantage, je ne puis aller à la mascarade chez la baronne de Soubise.


— Une mascarade nouvelle ? interrompit Scarron, dont les yeux pétillèrent du désir d’y aller. En vérité, mon cher Armand, vous m’y mènerez, n’est-ce pas, dussions-nous voler un tailleur d’habits ?


— Non, certes, je n’irai point, et je passerai la nuit à dormir sur l’oreiller de mon appétit, afin de courir la fortune en songe. Vingt écus pourtant eussent suffi à me mettre en bel équipage !


— Vingt écus, mon maître ? Çà, dites-moi où ils sont, que je les prenne ! Mais, à quoi bon ces vingt écus ? Quand vous aurez soupé avec ces pâtisseries, que je vous apporte