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Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/187

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visage et la voix. Il dut pourtant, par un sentiment de décence indispensable, s’attacher solidement autour des reins une couverture de laine brune, qui lui donnait l’apparence d’un sauvage de la mer du Sud.


Enfin, pour mieux caractériser ce costume, il noircit de suie détrempée son visage, que la plume ne recouvrait pas, et planta sur sa tête une grande paire de cornes en papier doré.


Armand oubliait l’argent qu’il devait aller prendre chez le chanoine, pour examiner en détail l’étrange travestissement, auquel Scarron ajoutait encore des ornements et attributs nouveaux, outre la queue caractéristique en carton découpé, qu’il entortilla d’un vieux galon d’argent et qu’il s’attacha ensuite le plus solidement possible au bas des reins.


— Dieu fasse, lui dit son ami, que les pauvres joueurs qui ont tiré le diable par la queue, ne s’en prennent pas à la tienne, avec l’espoir de faire fortune !


— Un diable ne peut aller les mains vides, comme un donneur d’eau bénite ? objecta Scarron. Trouvez-moi quelque outil qui ressemble à une fourche et qui me tienne lieu de sceptre ou de bâton d’honneur !


Armand de Pierrefuges tira de la cheminée un grand crochet de fer, qui avait servi, dit-il, dans les cuisines du roi Charles V, et dont l’extrémité, en effet, était façonnée en forme de fleur de lys. Scarron jugea l’instrument propre à l’usage qu’il comptait en faire, et se déclara très satisfait de son déguisement.


Les deux amis se donnèrent rendez-vous au bal, et Armand, qui était bien résolu à ne pas se compromettre