Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/327

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Crébillon, du haut de la fenêtre où il avait pris position pour jouer son rôle, se divertissait beaucoup de l’épouvante d’un ennemi, qu’il tenait humilié en sa puissance, et il tiraillait la corde, par brusques secousses, pour redoubler l’horreur de cette espèce de possession magique à laquelle se croyait condamné le malheureux Père Frémion. Ce matin-là, le réveil ne fut pas sonné plus tôt que la veille, et le renouvellement d’une pareille négligence irrita le principal, qui envoya chercher le sonneur en défaut, dans sa chambre, où il n’était point. Le père Griffon, avec l’assurance et l’entêtement d’un sourd, assura positivement que son confrère était descendu à l’heure précise et avait sonné le réveil.


On ne trouvait pas le Père Frémion, qui était bien empêché de répondre à son nom, qu’il n’entendait pas répéter, quoique tous les échos du collège le portassent à ses oreilles. On le cherchait partout, excepté sous la cloche, muette comme lui, où il désespérait de sa vie et de son salut. Crébillon, que le danger d’être découvert invitait à la retraite, rejeta sur la tête du malheureux sonneur le bout de la corde, qu’il tenait encore en la secouant de plus belle, et s’enfuit dans le dortoir, en poussant un éclat de rire qui eût fait honneur au Moine-bourru lui-même. Le Père Frémion, qui avait cru sentir sur sa tête s’abattre la formidable main du Moine-bourru, était tombé à la renverse, le bras droit toujours levé en l’air, bien que la corde détendue ne le contraignît plus à cette position pénible, que les nerfs raidis de son bras rendaient machinale. On arriva enfin, on le releva, on l’interrogea, on remarqua son bras lié d’un nœud