Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/383

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qu’elles cherchent : de l’herbe à brouter. Il y en a là de quoi paître jusqu’au soir.


Il avait attaché à son bras les quatre cordes qui pendaient aux cornes des vaches, et il les empêchait ainsi de s’écarter. Il s’assit par terre, sous l’orme, dans lequel Valentin était monté ; il bourra et alluma sa pipe, puis il commença de fumer un affreux tabac, dont les exhalaisons nauséabondes arrivaient à l’enfant caché dans l’épais feuillage de l’arbre.


La fumée du tabac n’avait pas tardé à envelopper l’essaim d’abeilles, suspendu en boule à une des branches inférieures de l’orme, et cette fumée acre et soporative agit de telle sorte sur les mouches, qu’elles tombèrent en masse, à moitié étourdies, mais furieuses, sur le fumeur, en s’attachant à ses mains et à son visage, qu’elles criblaient de piqûres. Il poussa de terribles cris d’effroi et de douleur, auxquels Valentin répondit en cornant à plein gosier, tandis que les vaches essayaient de s’enfuir en beuglant et brisaient le bras du voleur en serrant les nœuds coulants des cordes qui les retenaient.


Cet horrible vacarme fit accourir des bûcherons, qui travaillaient dans la forêt, et qui vinrent aider Valentin à reprendre possession de ses vaches, pendant qu’on transportait à l’hôpital le malheureux voleur, cruellement blessé et défiguré.


L’aventure eut quelque éclat dans le pays et l’honneur en revint à Valentin qui avait fait preuve de tant de persévérance, d’adresse et de courage. On lui attribua même l’invention d’avoir lancé sur le voleur un essaim d’abeilles, qui en avaient fait justice.