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LA PERLE DE CANDELAIR

Quand une fois une femme a fait ce chemin-là dans le cœur d’un homme jeune, elle a pris, et pour toujours, une grande part dans ses volontés, si bien qu’il ne reste plus, au possédé, même le pouvoir de rompre avec cette domination, le voulût-il.

J’entends entièrement rompre, rompre jusqu’à l’oubli ; car le premier baiser, le premier rêve, la première possession, le premier amour sont des choses dont le passage laisse en nous des traces ineffaçables que rien, jamais, ne saurait arriver à détruire, de quelque bonheur ou de quelque indifférence que soient chargés, dans l’avenir, les jours qui nous restent à vivre.

Étienne était donc resté très-sincèrement attaché à Mme Hélène, quoique son amour eût pour ainsi dire changé de nature, et que ses manifestations eussent aussi beaucoup varié.

Il ne se faisait pas d’illusion sur ce que le monde appelait son mérite et sa valeur personnelle, choses que l’on tenait en très-haute estime ; car il savait bien que cette valeur, appuyée sur ce même mérite, auraient fait fort modeste figure à Candelair, dans l’ombre de son oncle Letourneur, s’il y était resté.

― Je lui dois tout, se disait-il, tout ! position, bien-être, indépendance. Je lui dois le bonheur d’un amour heureux d’enfant : elle m’a fait un homme, et m’a créé une place à la hauteur des ambitions dévorantes que j’avais bercées, dans les solitudes de mes premières années de jeunesse.

Alors la conscience de sa dette, envers cette femme accomplie et si parfaite pour lui, avait fait naître dans son cœur une très-sérieuse reconnaissance qui