Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
LA PERLE DE CANDELAIR

la poussèrent jusqu’au vandalisme de la pensée. Elle aurait voulu par moment briser tout ce qu’elle avait fait, anéantir tout ce qu’elle avait créé, puis édifié de ses propres mains.

Mais, hélas ! on ne remonte pas plus le cours des sentiments que le cours de son existence, et les choses acquises sont comme les années vécues : impossibles à effacer.

Ce fut en considérant toutes ces choses du haut de sa raison et de sa très-mûre, mais très-nette expérience, que M. de Ferrettes décida qu’il fallait changer l’aspect de cette situation en changeant la situation elle-même.

Mais Mme Malsauge ne peut pas songer à tout cela ; elle ne veut pas qu’on lui parle raison, elle prévoit toutes les ouvertures qui doivent lui être faites à ce sujet, elle les devine au moment où elles peuvent naître dans l’esprit d’autrui, et elle fuit toutes les occasions que l’on pourrait saisir pour les lui faire entendre.

La jalousie est une passion clairvoyante à travers laquelle elle regarde ; elle comprend qu’elle vieillit, elle sent qu’elle devient exigeante, tyrannique parfois ; mais il ne lui est pas donné de changer quoi que ce soit à ce nouvel et triste état de choses. Quant à renoncer à l’amour du jeune homme, quant à se laisser arracher l’empire qu’elle a pris sur lui, il n’y faut pas songer.

Non, non, Étienne est à elle, c’est sa création, c’est son bonheur, c’est sa jeunesse, c’est sa beauté. Elle tient tout cela dans sa main, et pas une force au monde ne saurait la lui faire ouvrir pour qu’elle ait la douleur de voir choir et se briser, à ses pieds, un trésor aussi cher et aussi laborieusement acquis.