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LA PERLE DE CANDELAIR

votre jeunesse et votre situation aidant, de vous établir et d’avoir une famille, une maison, un intérieur où vous serez le maître unique. Ah ! je sais tout cela et beaucoup d’autres choses encore, je vous assure ; mais malgré ce que je suis forcée de reconnaître, je m’en afflige, ou peut-être n’est-ce pas malgré, mais à cause de tout cela que je m’attriste.

— Vous avez tort, Hélène, bien tort, je vous en donne ma parole.

— Non, je n’ai pas tort, reprit Mme Malsauge ; car j’ai mis en vous toute mon affection, sur votre tête repose mon bonheur entier, et au moment où je vois que vous vous détachez indifféremment de moi, et de tout ce qui de moi vivait en vous, j’en suis torturée et je me plains.

— Notre affection est trop sérieuse et trop vrai, Hélène, reprit Étienne, pour que vous puissiez vous permettre de pareils enfantillages et pour que nous ouvrions notre esprit à de chimériques chagrins.

Nous avons, ma chère Hélène, l’un et l’autre notre dignité à sauvegarder. Vous savez combien cette dignité est fragile et comment l’atteinte la plus légère la peut mettre en péril.

Cette façon affectueuse, mais calme dont Étienne recevait les reproches qu’elle se croyait fondée à lui faire, mettait à la torture le cœur de Mme Malsauge.

— Ah ! s’écria-t-elle, qu’avez-vous fait de vous ? De ce vous charmant et adorable que j’ai connu ? Il me semble qu’il y a des siècles de cela, tant les choses sont changées depuis. Qu’avez-vous fait de votre cœur, Étienne ? Dites, qu’en avez-vous fait de ce cœur si entièrement épris que vous promeniez par la montagne,