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L’ONCLE ISIDORE

taire. De l’enfant elle fit un homme, car la solitude et le travail mûrissent vite.

Dès les premiers temps de son séjour il avait réfléchi sur la part qui lui était échue dans ce qu’on appelle la famille : cette part lui parut dérisoire :

Son enfance n’avait jamais eu de caresses, sa jeunesse n’avait jamais vu ni cette union affectueuse, amicalement protectrice, ni ces adorables faiblesses qui attachent les uns aux autres les membres d’une même famille ; ou ne lui avait jamais montré que les devoirs que sa reconnaissance contractait chaque jour.

Il essaya néanmoins de réagir contre ce passé qui lui pesait, et s’absorba davantage encore dans son travail. Mais au bout de trente mois de séjour à Paris, surmené par son double labeur, épuisé par les privations de tout genre que lui imposait la modestie de ses ressources, il tomba tout-à-fait malade.

Lorsqu’il commença un peu à revenir à la santé, sa bourse était vide déjà depuis longtemps, et même il avait des dettes !

Dans l’impossibilité de rattraper jamais cet arriéré, il se décida, après de longues hésitations, à écrire à sa grand’mère.

Mme Daubrée lut et relut cette malheureuse lettre, et quoiqu’elle eût le cœur plein de larmes, à la pensée de son enfant malade, la grande agitation, la profonde émotion venaient de cette phrase qui lui semblait écrite en lettres de feu sur le papier blanc :

« Chargez-vous, par affection pour moi, de demander de l’argent à mon oncle. De quelque temps je ne puis travailler à autre chose qu’à mon droit, pour regagner