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LA PERLE DE CANDELAIR

La réalité ne fut pas longue à revenir, et il ne resta plus dans son esprit que les choses tristement vraies qui allaient l’accueillir à la Chartreuse.

Étienne sentait la force d’inertie contre laquelle il allait non-seulement se heurter mais se briser. Il savait que pour une âme comme la sienne, tout était fini par son contact journalier avec l’oncle Isidore.

Comme ces malheureux qui sont décidés à rejeter le fardeau de la vie trop lourd pour leurs épaules ; comme ces malheureux que rien n’arrête, ni l’aspect de l’eau qui roule noire et profonde, ni l’idée de la vase au fond de la rivière, ni la perspective des dalles humides de la Morgue, il ferma les yeux faisant en lui-même le sacrifice de ses espérances et l’abandon de sa part de joie.

Ce fut avec un gros soupir qu’il reprit sa route vers la Chartreuse…

Aux premiers pas il se sentit arrêter par quelque chose de boueux, de mouillé qui se frôlait à lui en sautant dans ses jambes. Il secoua un coin de son manteau pour chasser cette chose importune ; mais à peine eut-il fait ce mouvement que des aboiements joyeux éclatèrent pendant que les caresses redoublaient.

Lou-Pitiou se flattait d’avoir été reconnu par Étienne comme lui, le pauvre chien, l’avait deviné malgré l’obscurité, malgré une absence assez longue pour avoir effacé tout souvenir d’une mémoire d’homme.

— Cher compagnon de mes mauvais jours, dit alors le jeune homme en se penchant vers le chien, qu’il embrassa tendrement, me voilà encore, me voilà plus malheureux qu’autrefois.

Tu as senti cela avec la petite âme amie que Dieu t’a