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La question de la Femme



I

Le Bourgeois a pensé et pense encore que la femme doit rester à la maison et consacrer son activité à surveiller et diriger le ménage, à soigner le mari, à fabriquer et nourrir les enfants. Déjà, Xénophon, alors que la Bourgeoisie naissait et prenait corps dans la société antique, a tracé les grandes lignes de son idéal de la femme. Mais si pendant des siècles, cet idéal a pu paraître raisonnable, parce qu’il correspondait à des conditions économiques florissantes, il n’est plus qu’une survivance idéologique, depuis que celles-ci ont cessé d’exister.

La domestication de la femme présuppose qu’elle remplit dans le ménage des fonctions multiples, absorbant toute son énergie ; or, les plus importants et les plus assujettissants de ces travaux domestiques, — filage de la laine et du lin, tricotage, taille et confection des vêtements, blanchissage, panification, etc. — sont aujourd’hui exécutés par l’industrie capitaliste. Elle présuppose également que l’homme, par son apport dotal et ses gains, pourvoit aux besoins matériels de la famille ; or, dans la Bourgeoisie aisée, le mariage est autant une association de capitaux qu’une union de personnes et souvent l’apport dotal de l’épouse est supérieur à celui de l’époux[1], et dans la petite Bourgeoisie

  1. La dot a joué un rôle décisif dans l’histoire de la femme : au début de la période patriarcale, le mari l’achète à son père, qui doit restituer son prix de vente, si pour une cause quelconque il la répudie et la renvoie à sa famille, puis ce prix d’achat lui