Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/31

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tout entier ; et oubliant les jeux de l’adolescence, il étudiait ses campagnes, et suivait sur la carte, la marche de ses armées.

Mais que son héros, battu à Waterloo, soit emprisonné à Sainte-Hélène, que son père, pour avoir refusé de rendre à l’étranger la forteresse de Thionville soit accusé de trahison, que Louis XVIII, fasse son entrée triomphale dans Paris, escorté de « cosaques énormes, roulant des yeux féroces sous des bonnets poilus, brandissant des lances rouges de sang et portant au cou des colliers d’oreilles humaines, mêlées de chaînes de montres »[1], et le jeune poète, pare « sa boutonnière d’un lys d’argent », choisit pour sujet de sa première tragédie, une restauration, et injurie Bonaparte « ce tyran qui ravageait la terre. »[2].

Et pendant dix ans, sans éprouver un moment de lassitude, il fit « tonner dans ses vers la malédiction des morts, comme un écho de sa fatale gloire »[3]. Il faut arriver à 1827, pour le voir dans son Ode à la Colonne, essayer de glorifier indirectement l’Empire en glorifiant ses maréchaux ; mais pour se départir de la conduite qu’il s’était imposée et qu’il avait suivie avec tant de fermeté, Hugo avait une excuse. L’insulte faite par l’ambassade d’Autriche, aux maréchaux Soult et Oudinot, indigna si fortement l’armée et la cour, que les Débats et les journaux royalistes prirent leur défense, en écrivant l’Ode à

  1. Victor Hugo raconté, vol. 1
  2. Pièce de vers Sur le bonheur de l’Étude, envoyé au concours de poésie de 1817 : tout lui devenait occasion pour outrager son héros.
  3. Odes et Ballades. Les deux Îles, édition de 1826.