Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/51

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« À Athènes, les citoyens étaient de véritables nobles qui ne devaient s’occuper que de la défense et de l’administration de la communauté, comme les guerriers sauvages dont ils tiraient leur origine. Devant donc être libres de tout leur temps pour veiller, par leur force intellectuelle et corporelle, aux intérêts de la République, ils chargeaient les esclaves de tout travail. De même à Lacédémone, les femmes mêmes ne devaient ni filer ni tisser pour ne pas déroger à leur noblesse[1]. »

Les Romains ne connaissaient que deux métiers nobles et libres, l’agriculture et les armes ; tous les citoyens vivaient de droit aux dépens du Trésor, sans pouvoir être contraints de pourvoir à leur subsistance par aucun des sordidæ artes (ils désignaient ainsi les métiers), qui appartenaient de droit aux esclaves. Brutus, l’ancien, pour soulever le peuple, accusa surtout Tarquin, le tyran, d’avoir fait des artisans et des maçons avec des citoyens libres[2].

Les philosophes anciens se disputaient sur l’origine des idées, mais ils tombaient d’accord s’il s’agissait d’abhorrer le travail. « La nature, dit Platon, dans son utopie sociale, dans sa république modèle, la nature n’a fait ni cordonnier, ni forgeron ; de pareilles occupations dégradent les gens qui les exercent, vils mercenaires, misérables sans nom, qui sont exclus par leur état même des droits politiques. Quant aux marchands accoutumés à mentir et à tromper, on ne les souffrira dans la cité que comme un mal nécessaire. Le citoyen qui se sera avili par le commerce de boutique sera poursuivi pour ce délit. S’il est convaincu, il sera condamné à un an de prison. La punition sera double à chaque récidive[3]. »

  1. Biot. De l’abolition de l’esclavage ancien en Occident, 1840.
  2. Tite-Live, Liv. I.
  3. Platon, République. Liv. V.