Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/157

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d’ouvrir. Son visage était courroucé, sa trogne rouge flamboyait ; il se promettait de lancer vertement l’intrus qui, si mal à propos, troublait sa conversation nocturne et quotidienne avec la dive bouteille.

—Qui es-tu, canaille, qui frap… ? s’écria-t-il d’une voix encolérée ; mais les sons s’éteignirent subitement dans sa gorge. Sortant sa casquette de loutre et saluant avec humilité, il ajouta :

—Pardonnez-moi, Monseigneur, je croyais qu’il n’y avait qu’un pouilleux Saint-Labre pour venir à de telles heures ; vous m’excus…

Le vêtement splendide du Pape avait produit une révolution dans l’âme de Saint-Pierre. Pie IX, indigné, jeta une pièce au cerbère paradisiaque, et entra en murmurant :

—Et dire que je suis le successeur de ce valet soûlard et insolent ! Il renia son maître au moment du danger. Il le renierait cent fois encore pour étancher son ivrognerie.

Saint-Pierre, un peu remis, admirait de l’œil Pie IX marchant dans la grande avenue du Paradis.

—En voilà un qui est rup !… Mais quel chien ! il ne m’a donné qu’une pièce de deux francs. Tonnerre de Dieu ! c’est une pièce fausse du Pape… Le voleur.

Après avoir erré jusqu’au jour, le Pape trouva à qui s’enquérir de la demeure du Père Éternel. C’était une pauvre chaumière. On l’avertit de ne pas prendre la peine de frapper ; personne ne viendrait ouvrir. Au dire des gens, Dieu dans sa vieillesse était devenu misanthrope ; il vivait seul et ne voulait entendre le bruit de la voix humaine. Ces renseignements chagrinèrent le