Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/159

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des métaphysiciens allemands, l’antithèse première, la négation du néant.

C’était un petit vieux sale, dégoûtant, la barbe inculte et remplie de crachats, grelottant, toussotant, renâclant, bavant ; les jambes emmaillotées dans la flanelle, le corps enveloppé dans une robe de chambre rapetissée, usée et montrant la doublure rouge aux fesses.

Le Pape, saisi d’étonnement, s’oublia et parla sa pensée :

—Voilà la majesté décrépite, délabrée, ruinée que je représente sur la terre !

—Qui parle ici ? s’écria Dieu, redressant sa figure jaunâtre, d’où s’élançait un énorme nez juif bourré de tabac… Toi tu te dis mon représentant sur la terre et tu oses parler en ma présence ! Et tu oses venir me troubler en ce coin du Paradis, où ne pouvant mourir, j’essaie de me faire oublier. — Puisque tu as forcé la porte de ma retraite, contemple ce que tu appelles une majesté délabrée. Contemple ton œuvre et l’œuvre de tes prédécesseurs, papes maudits. — Maudit soit le jour où j’eus l’idée d’envoyer mon fils Jésus, sur la terre ! J’étais alors le maître souverain de la terre et des cieux ; les humains n’adoraient que moi. Je suis relégué au fond des tabernacles ainsi qu’une antique guenille ; maintenant, les hommes ploient leurs genoux et brûlent leurs cierges devant la face idiote de Jésus, devant le pucelage de sa gourgandine de mère, devant les pieds malpropres et odorants de Saint-Antoine, devant son compagnon, dont ils font une amulette. —