Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/168

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la croûte terrestre, qui consolera mon inconsolable épouse ? qui lui tiendra compagnie pendant les nuits d’insomnie, quand elle quitte ma couche pour pleurer et prier ?

—Marie ira trouver le jeune docteur qui t’a consolé, bon Joseph, reprit le Saint-Esprit ; il la calmera avec du jus cocufiant… Soignes bien ta femme, elle sera bientôt mère.

—Mère encore ! cria Saint-Joseph. Ah ! pour le coup ; je ne reconnais pas le bâtard. Je n’y suis pour rien, pas même pour les oreilles. J’en ai assez de paterniser les enfants de mon épouse. Marie repousse mes caresses afin de conserver sa virginité, et elle met bas plus de petits qu’une lapine.

—Joseph, pas tant de bruit pour si peu : qu’est-ce que cela peut te faire un enfant de plus, puisque c’est moi qui entretiens le ménage et te donne une inscription de rente à chaque nouvel accouchement de ta chère moitié. C’est moi, l’Esprit-Saint, qui ai fécondé Marie ; mais elle reste vierge, quoique enceinte, et restera vierge encore après l’accouchement. C’est un mystère au-dessus de ton intelligence. Peut-être le pénétreras-tu quand tes cornes auront dix mètres… Allons, en marche ! Une sainte ardeur emplit ma poitrine ; je veux convertir les hommes, leur inoculer l’amour de la liberté, du libre échange, du crédit gratuit, et leur apprendre l’usage des imperméables anglais.

—Il faudra bâillonner cette brute, murmura le pape, en attendant, je bouche mes oreilles avec du coton.