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l’originalité.

de rares occasions à la veine charmante, joyeuse ou noble de ses premiers essais. Chaque fois qu’il y revint, il fit un chef-d’œuvre, le Menteur, la Suite du Menteur, Don Sanche d’Aragon. Dans toutes ces pièces, les types et les caractères individuels commencent à se préciser, les différentes catégories sociales à se mêler et s’associer. Même dans les transpositions des textes espagnols, on sort de l’imitation du livre par l’imitation de la nature.

Molière commence de la même façon. Son mérite sera de poursuivre la tâche jusqu’au bout, jusqu’à ses conséquences extrêmes. L’observation directe, de plus en plus perspicace et intense, réfléchie, méthodique, après avoir insufflé une vie nouvelle à des scénarios antiques ou étrangers, deviendra l’intérêt capital de la pièce, son but et sa raison. Dans le théâtre du passé, c’étaient les événements extérieurs qui déterminaient l’action des caractères. Dans le théâtre de l’avenir, ce seront les caractères qui détermineront les événements extérieurs. Ce qu’on appelait l’intrigue, ce qui semblait jadis indispensable, lui deviendra même si indifférent que, plus d’une fois, il oubliera ou dédaignera, avec une désinvolture frisant l’impertinence, de donner à ses dénouements la moindre vraisemblance. À la fin d’un défilé grouillant de figures admirables, bouffonnes ou sérieuses, de types, ridicules ou sympathiques, d’êtres bien vivants, profondément humains, voici, tout d’un coup, tomber du ciel ou sortir de terre un messager quelconque qui vient bouleverser, par ses révélations abracadabrantes, le tableau généalogique des familles afin d’éviter les