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MOLIÈRE.

liser, le poète philosophe retourne aux abstractions, impersonnelles et glacées, des vieilles Moralités scolastiques, à ces insupportables Allégories vagues et bavardes, dont l’imagination française est restée hantée et desséchée depuis le Roman de la Rose et les tirades verbeuses des écolâtres et robins aux xiv et xv siècles.

Le plus souvent l’accusation est formulée par des étrangers, accoutumés à voir les seules reproductions exactes de la vie dans l’éparpillement tumultueux ou spirituel des actions multiples et des paroles abondantes chez les grands dramaturges espagnols et anglais, Lope de Vega et Shakespeare. Parfois elle est due à des Français, mais qui ont perdu, par l’évolution étroitement réaliste et prosaïquement copiste du théâtre contemporain, le désir et le besoin d’une exaltation de l’imagination et de la pensée. Des deux côtés, ce blâme implique deux erreurs : en fait, la méconnaissance de la part importante que Molière devait prendre, et qu’il a prise, en conformité avec les idées de son pays et de son siècle, à l’évolution classique de la littérature française ; en théorie, l’oubli des conditions essentielles, en tout temps, de l’œuvre d’art supérieure, d’autant plus dominatrice et suggestive qu’elle résume et condense, en des créations idéales, avec plus de logique et de relief, une plus grande somme de vérités positives. C’est par les mêmes erreurs de critique ou même froideur d’esprit qu’on reproche, en sens inverse, aux personnages comiques de Molière, d’accumuler aussi, en leurs personnes, plus de ridicules que n’en comporte, à l’ordinaire,