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MOLIÈRE.

Combien le rire savant, calculé, compassé de son ami Boileau, le grand satirique, semble glacial à côté ! Ses premiers successeurs au théâtre, Regnard, Dancourt, Dufresny, n’en reprendront que la vivacité superficielle. Lesage seul, en retrouvera, en ses bons jours, quelques échos fidèles. Mais durant tout le xviiie siècle, ce beau rire ne fera que s’affiner en de légers sourires, tantôt gracieux et attendris, comme celui de Marivaux, tantôt sèchement ironique et froid, comme celui de Voltaire. Il faudra l’approche de la Révolution, et les sourds grondements du volcan prêt à lancer ses flammes sanglantes, pour que Beaumarchais ramasse le fouet tombé des mains du grand moqueur, et le fasse claquer à son tour avec une virulence qu’eut applaudie son maître. Personne, en fait, ne saura plus, si complètement, avec la même aisance, sans esprit de mots, sans ironie desséchante, sans niaiserie prudhommesque, sans pédantisme prédicant, associer la gaîté au bon sens, mettre la raison dans le rire, et faire du rire l’arme la plus utile et la plus sûre de la raison.