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MOLIÈRE.

par la franchise, claire et rapide, d’un langage net, facile, abondant où transperce, sous les travestissements et incarnations divers, la personnalité, riche et débordante, du poète sans cesse égayé ou attristé. De là aussi, chez les mêmes personnages, grâce à la conscience scrupuleuse et opiniâtre qu’il apporte en ses études complémentaires sur leurs caractères, situations sociales et familiales, habitudes morales, intellectuelles, professionnelles, une réalité d’existence objective, visible et palpable, qui leur donne, pourtant, des physionomies bien particulières. C’est ainsi que vivent ensemble, dans une famille réelle, des enfants d’humeurs opposées et d’esprits différents, mais qui portent tous, néanmoins, par quelque détail physique ou intellectuel, la marque indéniable de leur paternité commune.

On peut donc, assez facilement, suivre, à travers son œuvre objective, l’évolution des passions et des sentiments personnels qui aiguisèrent sa pénétration et déterminèrent ses jugements dans son travail d’observation. L’amour sensuel et l’amour tendre qui, jusqu’au bout, charmèrent et empoisonnèrent sa vie, lui donnaient, sur les effets de cette passion, une clairvoyance extrême. Il saisit donc avec prédilection toutes occasions d’en dépeindre les ravissements et les angoisses, les confiances et les jalousies, les exaltations et les désespoirs, les emportements et les délicatesses, les noblesses et les lâchetés, tout ce qu’il a connu, tout ce qu’il a senti si profondément chez les autres parce qu’il l’avait connu et senti en lui-même.

Depuis le joyeux Étourdi, où ce nigaud et fou