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MOLIÈRE.

de cette échelle sociale qui monte des bas-fonds populaires au zénith éblouissant de la cour du Roi-Soleil. Il a vu combien, suivant la hauteur des degrés, leur éloignement des bas-fonds, leur rapprochement du sommet, les groupes inégaux composant cette masse laborieuse et ascendante, présentent de diversités, combien les vices et les travers, communs à tous les hommes, s’y montrent sous des aspects variés. Aussi est-ce dans cette catégorie d’individus et de professions que les types traditionnels sont par lui rajeunis et modernisés avec l’intelligence la plus complète des changements de temps et de lieux, et que les caractères nouveaux, saisis sur le vif, pour la première fois, s’y offrent en plus grand nombre.

Il semble d’abord s’en tenir à ces types généraux, sortis des traditions antiques ou médiévales, qui avaient suffi à la Renaissance italienne et à la Renaissance française, et que les successeurs de Hardy avaient déjà parfois remaniés avec bonheur. Mais combien il apporte plus de franchise dans le rappel de ces fantoches surannés à la vraisemblance et à la réalité ! Les plus grotesques se conforment vite aux exigences d’une société plus calme et plus polie. Le Miles Gloriosus, le Capitan bravache, le Matamore Tranche-montagne qui, depuis Plaute jusqu’à Corneille, avaient amusé tant de générations par leurs énormes fanfaronnades qu’applaudissaient hier encore les bretteurs et les aventuriers de la Fronde, se rabaissent aux vantardises prudentes du poltron Sganarelle. L’ancien Parasite, si lourdement servile et glouton, se donne des allures mondaines, en ajou-