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Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/166

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MOLIÈRE.

L’expérience de la vie, chez Molière comme chez Montaigne, a fortifié leurs mépris instinctifs d’esprits sincères pour la manie littéraire et la demi-culture scientifique, pour la suffisance vaniteuse des gens de lettres et le charlatanisme intéressé des médecins. C’est dans ses deux dernières pièces, les Femmes savantes, suite et complément des Précieuses, des Fâcheux, de la Critique, du Mariage forcé, du Misanthrope, et dans le Malade imaginaire, suite et complément de l’Amour médecin, du Médecin malgré lui, de M. de Pourceaugnac, qu’il leur porte les coups les plus cruels. Trissotin et Vadius resteront les types du cuistre arriviste et du cuistre gaffeur, comme Diafoirus et son fils Thomas ceux de la routine solennelle et de la sottise présomptueuse en des ânes savants. Molière était, sans doute, alors exaspéré par les jappements des pamphlétaires acharnés à ses trousses, et par les tortures du mal qui le rongeait, et ses ressentiments d’auteur calomnié et de malade incurable l’emportèrent à des excès d’amertume et de violence. Dans ses attaques visiblement personnelles contre l’abbé Cotin et Ménage, dans ses négations absolues de la science médicale, il dépasse, avec la mesure, le fond même de sa vraie pensée. Mais après tout, nous le savons, il les présentait tels qu’il les connaissait, ni plus grossiers, ni plus orgueilleux ! Que raillait-il, chez les uns et chez les autres ? la fausse science, l’érudition livresque, la soumission aveugle aux formules scolaires, chez les lettrés l’engouement de l’effet verbal au lieu de l’expression et traduction sincère des sentiments naturels, chez les médecins une confiance pares-