Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
MOLIÈRE.

Mais, quand la tragédie fut achevée, Molière, « qui aimait la harangue », s’avança sur la scène « pour remercier Sa Majesté de la bonté qu’elle avait eue d’excuser ses défauts et ceux de la troupe ». Il ajouta que « l’envie qu’ils avaient eue de divertir le plus grand roi du monde leur avait fait oublier que Sa Majesté avait à son service d’excellents originaux, dont ils n’étaient que de très faibles copies, mais puisqu’Elle avait bien voulu souffrir leurs manières de campagne, il la suppliait très humblement d’avoir pour agréable qu’il lui donnât un de ces petits divertissements qui lui avaient acquis quelque réputation et dont il régalait les provinces ».

Ce compliment, d’une modestie maligne, où l’orgueil naissant du roi et la vanité des Comédiens de la Troupe Royale, assistant aux débuts de leurs rivaux, devaient trouver leur compte, fut débité avec tant d’aisance et de grâce que les applaudissements retentirent. La farce annoncée, le Docteur amoureux, jouée encore par Molière, en déchaînant le rire, compléta la victoire.

Dès ce moment, y eut-il, entre l’humble fils du tapissier, inquiet et déclassé, mais « possédant et exerçant toutes les qualités d’un parfait galant homme », et le superbe héritier du trône de France, comme un pressentiment de l’alliance prochaine qu’allait nouer entre eux la communauté des goûts littéraires, des ambitions glorieuses, des instincts personnels ? Chez l’un et l’autre, monarque apprenti, comédien expert, même intelligence pratique de la vie, même promptitude à juger les hommes, estimer les circonstances et s’en servir. En tout cas, ils se