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dames les plus raffinées. Ce mélange de grossièretés naïves et de préciosités subtiles, qui n’impliquait point, d’ailleurs, des corruptions morales plus profondes que nos corruptions modernes sous une réserve apparente dans les mots, n’est pas un des traits les moins curieux de la société du xviie siècle.

Quant aux satires sanglantes dont Molière poursuit, avec un acharnement opiniâtre, l’ignorance, la suffisance, la cupidité des médecins, le ton amer n’en dépasse pas celui des médecins même lorsqu’ils parlent alors de leurs confrères. Les lettres de Gui Patin, le saigneur infatigable, le galiéniste fanatique, expliquent et justifient les applaudissements dont toutes les victimes de leur routine solennelle, ou leurs survivants, saluaient la révolte et la protestation du bon sens contre leurs infatuations meurtrières. Molière pouvait-il oublier que son vieux maître Gassendi avait succombé à l’acharnement des lancettes, saigné treize fois de suite le jour de sa mort ? Molière, d’accord avec Louis XIV, était, cette fois encore, le défenseur du progrès contre la tradition, de la science contre la routine. Tous deux acceptaient l’émétique et la circulation du sang quand Gui Patin, doyen de l’école de Paris, enregistrait la mort d’un adversaire, un docteur de Montpellier, trop accessible aux idées nouvelles, en ces termes furibonds : « Comme étant fort malade, on lui proposait une saignée, il répondit que c’était le remède des pédants sanguinaires et qu’il aimait mieux mourir que d’être saigné. Ainsi a-t-il fait. Le Diable le saignera dans l’autre monde comme le mérite un fourbe et un athée ». Il faut reconnaître qu’auprès